Les talibans ont suspendu lundi des pourparlers de paix avec le gouvernement dans le nord-ouest du Pakistan après une contre-offensive de l'armée lancée sous la pression de Washington, inquiet de la progression de ces islamistes liés à Al-Qaeda.

Cette opération militaire a commencé dimanche en réplique à une embuscade dans le district de Lower Dir, dans la région de Malakand, où un accord de cessez-le-feu controversé, signé mi-février en échange de l'instauration de tribunaux islamiques, est censé s'appliquer.

Même si Islamabad se défend d'avoir réagi à une quelconque pression extérieure, l'offensive intervient après de véhémentes déclarations de Washington, qui s'inquiète de la progression des combattants islamistes dans ce pays doté de l'arme nucléaire.

Dimanche soir, les chefs talibans «ont décidé de suspendre les négociations avec le gouvernement provincial», a déclaré à l'AFP Ameer Izzat Khan, porte-parole d'un leader religieux qui avait négocié l'accord, tout en accusant l'armée d'avoir violé le cessez-le-feu.

«Cependant, nous maintenons l'accord de février», a-t-il ajouté.

Les tribunaux islamiques ont été mis en place dès mars dans la plupart des districts de Malakand, dont celui de Swat, mais, en violation de l'accord qui leur imposait de déposer les armes, les talibans ont profité du cessez-le-feu pour progresser jusqu'à une centaine de kilomètres d'Islamabad.

Dimanche, à la suite d'une embuscade dans le Lower Dir, à environ 75 km à l'ouest de Swat, l'armée a engagé hélicoptères de combat et artillerie lourde pour la première fois depuis mi-février et a assuré avoir repoussé les talibans.

Lundi, elle a affirmé en avoir tué au moins 20 lors de ces combats.

Interrogé par l'AFP, le président Asif Ali Zardari n'a pas souhaité dire s'il s'agissait d'une contre-offensive ou d'une simple réplique à une embuscade.

«Nous ne pouvons donner aucune information publique, disons que nous avons des plans à court terme et à long terme», a-t-il déclaré. «Nous avons nettoyé le Lower Dir des talibans et la possibilité d'une offensive à Swat n'est pas exclue».

Quand à la validité même de l'accord de Swat, M. Zardari a assuré: «Nous le considérons toujours en vigueur tant que le gouvernement provincial ne m'aura pas dit le contraire».

Le chef de l'Etat a invoqué «la configuration du terrain» et la densité de population dans la vallée de Swat pour expliquer que, depuis deux ans, l'armée n'ait pu s'opposer à la main-mise des talibans sur cet ancien joyau touristique.

«Il y aurait eu beaucoup de victimes civiles si nous avions lancé les F16 et les chars», a-t-il plaidé.

En fin de semaine dernière, Washington a haussé le ton.

La secrétaire d'Etat Hillary Clinton, parlant d'«abdication» d'Islamabad, a jugé que l'avancée des talibans était une «menace pour l'existence même du Pakistan» comme pour le reste du monde, parce que c'est un «Etat nucléaire».

«Je peux assurer le monde que les installations nucléaires du Pakistan sont sous bonne garde» et «entre des mains sûres», a répliqué lundi le président Zardari à des journalistes étrangers.

En marge de cet entretien, le ministre de l'Intérieur Rehman Malik a assuré à l'AFP qu'«aucune décision militaire» n'a été prise «sous une quelconque pression de l'extérieur», en référence à la contre-offensive du Lower Dir.

Les talibans pakistanais et Al-Qaïda ont décrété à l'été 2007 le jihad, la «guerre sainte», à Islamabad, et plus de 1800 personnes ont été tuées depuis dans des attentats à travers le pays.