La tension a baissé d'un cran en Thaïlande mais la situation reste précaire. Les meneurs des «chemises rouges» ont appelé mardi à la dispersion des manifestants anti-gouvernement, après deux jours d'émeutes qui ont fait deux morts et plus de 120 blessés à Bangkok. Des mandats d'arrêt ont cependant été délivrés contre 14 leaders, dont l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra qui vit en exil.

Quelque 2000 manifestants ont abandonné leur campement installé autour du siège du gouvernement, alors que les unités combattantes thaïlandaises encerclaient le dernier carré des partisans de Thaksin Shinawatra.

Watcharapol Prasarnrajkit, un des responsables de la police de Bangkok, a dit à l'Associated Press que quatre des leaders des protestations s'étaient rendus et seraient interrogés. Selon des témoins, ils ont été emmenés au siège de la police.

Un peu plus tard, un porte-parole de la police, Suporn Pansua, a annoncé qu'un tribunal avait délivré des mandats d'arrêt contre 14 leaders des manifestations, dont M. Shinawatra, qui vit en exil depuis l'an dernier, après avoir été renversé par l'armée en 2006.

Ces mandats d'arrêt ont été délivrés pour troubles à l'ordre public et rassemblement illégal. Les chefs des manifestations risquent jusqu'à sept ans de prison.

«Ce n'est pas une victoire, ni une défaite pour un groupe particulier», a déclaré le Premier ministre Abhisit Vejjajiva lors d'une intervention télévisée. «Si c'est une victoire, c'est une victoire de la société avec le retour de la paix et de l'ordre.» Il a toutefois averti que la menace des «chemises rouges» n'était pas éliminée. «L'opération sous l'état d'urgence n'est pas terminée. Il y a encore des choses à faire», a-t-il dit.

Certains manifestants ont menacé de se regrouper quand ils ont appris que des mandats d'arrêt avaient été délivrés.

Jakrapob Penkair, un des chefs des manifestants, a affirmé que le mouvement, qui exige la démission du chef du gouvernement Abhisit Vejjajiva et de nouvelles élections, «continuera à se battre». Il n'a toutefois pas précisé quels types d'action ils pourraient entreprendre.

«Nous n'avons pas atteint notre objectif de mettre fin au statu quo et de rendre le pouvoir à la majorité du peuple. Nous n'avons pas atteint notre objectif de faire rentrer les militaires dans leurs casernes et d'empêcher l'élite au pouvoir d'intervenir en politique. Tant que cela n'arrivera pas, beaucoup n'abandonneront pas», a souligné Jakrapob Penkair.

En quittant leur bastion à pied ou dans des bus fournis par l'armée, certains manifestants lançaient des signes de victoire, alors que d'autres versaient quelques larmes.

Le gouvernement a annoncé qu'il ajoutait deux jours supplémentaires aux congés accordés pour le Nouvel An thaïlandais, qui ont commencé lundi et durent normalement trois jours, pour rétablir la sécurité et réparer les dégâts des violences. Malgré les troubles, des milliers de Thaïlandais, ainsi que des touristes étrangers, ont fait la fête pendant la nuit et se sont arrosés les uns les autres pour se souhaiter la bonne année.

«Je ne pense pas que nous ayons perdu. Nous étions seulement dans une position défavorable. Nous avions seulement du coeur. Nous n'avions pas d'armes», a confié Siri Kadmai, un salarié de 45 ans.

Un peu plus tôt, un porte-parole de l'armée, le colonel Sansern Kaewkamnerd, avait dit que les militaires étaient prêts à agir contre les manifestants, qui campaient autour du siège du gouvernement depuis le 26 mars.

Selon Sansern, seuls 2.000 manifestants restaient mardi matin autour du siège du gouvernement, alors que les manifestations avaient attiré jusqu'à 100.000 personnes la semaine dernière.

La plupart des journaux de Bangkok, quelle que soit leur tendance politique, critiquaient les manifestants dans leurs éditoriaux, les qualifiant de «voyous» et de «terroristes urbains».

Le chef du gouvernement, Abhisit Vejjajiva, a salué le travail des forces de sécurité, affirmant qu'ils avaient eu recours à «des moyens doux» et «empêché autant que possible les dégâts».

Mais Thaksin Shinawatra, que la plupart des manifestants considèrent comme leur leader, a accusé l'armée de cacher le nombre de personnes tuées dans les affrontements.

Plus d'une douzaine de pays, parmi lesquels les Etats-Unis et la France, ont adressé des mises en garde à leurs ressortissants, les exhortant à éviter les voyages en Thaïlande et, pour ceux qui se trouvent déjà à Bangkok, à rester dans leurs hôtels et à l'écart des manifestations.