Alors que Washington continuait mardi de faire pression pour obtenir à l'ONU un texte admonestant la Corée du Nord, le régime communiste de Pyongyang pourrait, selon des analystes, profiter du lancement même peu concluant de sa fusée à des fins de propagande interne.

Si aucun texte n'est sorti dimanche d'une réunion à l'ONU, les discussions se poursuivaient mardi en marge du Conseil de sécurité et entre capitales, entre les cinq membres permanents du Conseil (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie) et le Japon.

Selon des diplomates, les Occidentaux ont préconisé dimanche une condamnation ferme du tir nord-coréen, au motif qu'il viole la résolution 1718 d'octobre 2006 interdisant à Pyongyang d'effectuer des essais nucléaires ou des tirs de missiles.

Mais la Chine et la Russie, qui ont droit de veto au Conseil, ont plaidé pour la retenue, pour ne pas compromettre les pourparlers à six sur la dénucléarisation nord-coréenne.

Pékin a estimé mardi que Pyongyang avait le droit à un «usage pacifique de l'espace», appelant le Conseil de sécurité à la prudence. Tandis que Moscou se disait inquiète de ce tir mais opposée à ce que l'on en tire des «conclusions précipitées», selon le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.

«Nous savons que trouver la formulation exacte ne se fait pas en une nuit», a déclaré lundi la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton.

«Mais nous restons convaincus que trouver une position ferme aux Nations unies est une mesure immédiate et importante», a ajouté la chef de la diplomatie américaine qui espère toujours une condamnation de Pyongyang.

Le régime communiste de Pyongyang a décrit sa fusée -- un missile Taepodong-2 à trois étages d'une portée estimée à 6.700 km -- comme un simple lanceur de satellite. Mais Washington et ses alliés assimilent ce lancement à un nouvel essai de missile à longue portée, en violation de deux résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU datant de 2006.

Bien que les experts s'accordent à dire que le lancement de dimanche se soit révélé peu concluant, l'organe officiel nord-coréen, le Rodong Sinmun, l'a qualifié mardi d'«événement historique annonçant l'avènement d'une grande nation prospère et puissante».

Pour Peter Beck, chercheur à l'Université américaine de Washington, «il apparaît de plus en plus clairement que le tir était motivé par des condidérations (de politique) intérieure». «Il sera assez facile pour le régime de présenter le lancement comme un succès à la majorité de la population», a confirmé Daniel Pinkston, de l'International Crisis Group (ICG)

Kim Jong-il, 67 ans, qui aurait été victime d'une attaque cérébrale en août 2008, «sait que son heure est comptée. Assurer sa succession est plus important que de conclure un accord sur le nucléaire», a ajouté M. Beck, selon qui «le régime veut rallier les cadres et l'élite».

Intervenant opportunément avant le lancement du KSLV-1 par son rival sur-coréen, prévu en juillet prochain, le tir nord-coréen vise à «démontrer la vitalité du régime et à justifier le caractère héréditaire du pouvoir», assure M. Beck.

Selon la presse sud-coréenne, le lancement a pourtant mis en lumière la faiblesse des moyens de Pyongyang, incapable de suivre au-delà d'une certaine distance la trajectoire de l'engin.

Selon le journal JoongAng Ilbo de mardi, citant des sources au sein des services de renseignement, un navire nord-coréen chargé de recueillir des débris de la fusée a dû rebrousser chemin en raison d'une avarie mécanique et un avion de chasse Mig-21, chargé de protéger le site de lancement, s'est écrasé. Sans donner de détails, le ministère sud-coréen de la Défense a confirmé qu'un avion de chasse nord-coréen s'était écrasé.

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