L'ex-tortionnaire en chef «Douch» a imploré mardi le pardon des survivants de la dictature communiste des Khmers rouges au Cambodge après avoir admis sa part de responsabilités dans les atrocités dont été victimes deux millions de Cambodgiens entre 1975 et 1979.

Au deuxième jour des débats à son procès parrainé par l'ONU, Kaing Guek Eav, 66 ans, plus connu sous le nom de «Douch» et qui dirigeait la prison de Tuol Sleng (S-21), a toutefois affirmé qu'il se retrouvait aujourd'hui dans la peau d'un «bouc-émissaire» et qu'il n'avait fait qu'obéir à des ordres venus d'en haut, de la direction du Kampuchéa démocratique.

«Je voudrais souligner que je suis responsable des crimes commis à S-21, en particulier la torture et l'exécution de gens là-bas», a-t-il dit, ajoutant: «Permettez-moi de m'excuser auprès des survivants du régime et auprès des proches de ceux qui sont morts brutalement».

«Douch», ex-professeur de mathématiques qui s'est converti au christianisme en 1996, trois ans avant son arrestation, est poursuivi pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, torture et meurtre avec préméditation. Il risque la prison à vie, la Cour ayant exclu la peine de mort.

La défense a souhaité que «Douch» s'exprime après l'intervention des procureurs qui ont fourni d'horribles détails sur les tortures infligées au camp S-21 qui jouait un rôle central dans la politique d'écrasement des «traîtres» à la Révolution communiste.

Plus de 15.000 personnes ont péri dans cette prison ou dans des champs d'exécution voisins.

Après avoir dit son «regret» et son «chagrin sincère» pour «les pertes et tous les crimes» commis sous les Khmers rouges, «Douch» a demandé à la Cour de lui «laisser une fenêtre ouverte pour rechercher le pardon», dans l'espoir peut-être de voir sa sentence réduite.

«A l'époque, je considérais la vie de ma famille comme plus importante que celle des détenus à S-21. Même si je savais que mes ordres étaient criminels, je n'ai jamais osé remettre en cause les autorités supérieures».

L'accusé a souligné qu'il n'occupait pas de position dirigeante dans l'appareil d'Etat, autour du numéro un, Pol Pot.

«J'étais moi-même, avec ma famille, dans une situation de vie ou de mort», a-t-il assuré, expliquant, au moyen d'un organigramme qu'il avait lui-même dessiné, la structure de direction des Khmers rouges, avec Pol Pot au sommet et Nuon Chea, au poste de numéro deux.

Pol Pot est décédé en 1998 et Nuon Chea (82 ans) figure parmi quatre autres accusés, au profil plus politique, qui seront jugés ultérieurement par ce même tribunal.

Le Premier ministre cambodgien Hun Sen a averti mardi que son pays replongerait dans la guerre civile si la Cour engageait des poursuites contre d'autres suspects.

Dans la matinée, l'audience avait été dominée par une dénonciation de la barbarie quotidienne à la prison de «Douch».

«La politique était que personne ne pouvait sortir vivant de S-21», a déclaré le procureur canadien Robert Petit.

«Les victimes étaient battues avec des cannes en rotin et des fouets, électrocutées ou étouffées avec des sacs en plastique attachés de force autour de leurs têtes, déshabillées et leurs parties génitales soumises à des décharges électriques», a indiqué le procureur, précisant que «l'accusé avait admis que les coups de canne étaient le plus souvent utilisés car d'autres formes de torture prenaient trop de temps».

L'acte d'accusation décrit des actes inhumains, tels des ongles de doigts et d'orteils arrachés, un prisonnier forcé de manger des excréments, des injections de solutions liquides par intraveineuse avec des détenus retrouvés morts le lendemain, ainsi que des «prélèvements de sang», des «tests de médicaments» et «des autopsies pratiquées sur des vivants».