Le nouvel attentat suicide perpétré mercredi au Yémen, le deuxième en 72 heures, est une action audacieuse qui porte la marque de la branche locale du réseau Al-Qaeda et atteste du regain d'activités de celle-ci dans ce pays de la péninsule arabique.

 

Un premier attentat suicide dimanche dans un endroit reculé de la province du Hadramout (est) contre un groupe de touristes sud-coréens avait tué quatre d'entre eux et leur guide yéménite et en avait blessé cinq autres. Mercredi, ce sont les quatre officiels sud-coréens dépêchés par Séoul pour enquêter sur l'attaque, ainsi que plusieurs parents des victimes, qui ont été visés à Sanaa alors qu'ils étaient en route pour l'aéroport.

Tous sont sortis indemnes de l'attaque, qui, selon toute vraisemblance, est l'oeuvre d'Al-Qaeda dans la Péninsule arabique (AQPA), la branche locale du réseau fondé par Oussama ben Laden.

La franchise yéménite d'Al-Qaeda, qui a récemment annoncé avoir absorbé les restes de la branche saoudienne décimée par les autorités de Riyad pour former AQPA, a intensifié ses activités depuis 2007, multipliant les attaques contre les missions diplomatiques, les installations pétrolières et surtout les touristes étrangers.

Huit touristes espagnols avaient ainsi été tués en juillet 2007 dans un attentat suicide à l'est de Sanaa et deux touristes belges avaient péri dans une embuscade en janvier 2008 dans l'est du pays.

Avant l'attaque de mercredi, le précédent attentat à Sanaa était une attaque contre l'ambassade américaine perpétrée à l'aide de deux voitures piégées le 17 septembre, qui avait coûté la vie à 12 personnes, en plus des sept assailants.

Outre le fait qu'il s'agit de la deuxième en 72 heures, l'attaque de mercredi a frappé les esprits car elle a eu lieu dans la capitale.

«C'est une attaque en ville. Jusqu'à maintenant, les attaques (NDLR: contre les étrangers) ont eu lieu en dehors de la capitale. C'est la nouveauté», a déclaré à l'AFP un diplomate sous le couvert de l'anonymat.

Elle suscite aussi beaucoup de questions, car l'auteur de l'attentat, qui a été tué par la charge qu'il portait, avait patiemment attendu le passage des véhicules, selon des témoins. Le convoi n'a donc pas été attaqué au hasard.

«S'il est vrai qu'il attendait le passage de ces voitures, c'est qu'ils (Al-Qaeda) ont été prévenus», a commenté ce diplomate.

Cette possibilité amène à s'interroger sur les complicités dont ont pu bénéficier les auteurs de l'attaque.

Une autre question a trait au fait que des Sud-Coréens ont été visés pour la deuxième fois en quelques jours.

«Il est difficile de dire s'il y a une raison, si les Sud-Coréens ont été attaqués en tant que Sud-Coréens ou si c'est un hasard», a affirmé le diplomate.

«Pour le moment, je ne vois pas de raison ponctuelle d'attaquer les Sud-Coréens», a-t-il dit.

La Corée du Sud a des intérêts importants au Yémen dans le secteur de l'énergie, puisque trois sociétés sud-coréennes (SK Corporation, Kogas et Hyundaï) sont actionnaires à hauteur respectivement de 9,55%, 6% et 5,88% de Yemen LNG.

Cette société, dont l'actionnaire principal est le groupe pétrolier français Total, construit actuellement une usine de liquéfaction de gaz naturel sur la côte sud du pays. Kogas doit prendre livraison de la première cargaison de GNL fin juin.

Dans l'immédiat, ce nouvel attentat va amener les gouvernements occidentaux à renforcer les consignes de sécurité à l'adresse de leurs ressortissants.

«Je viens de recommander à tout le monde de faire très attention dans les déplacements», a confié un autre diplomate basé à Sanaa.