Des dizaines d'opposants ont été arrêtés jeudi à Karachi, dans le sud du Pakistan, au départ d'une «longue marche» interdite par le gouvernement, désemparé face à une crise de confiance sans précédent depuis son arrivée au pouvoir il y a un an.



   Cette fronde, dirigée par l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif, menace de déstabiliser encore plus la jeune démocratie pakistanaise, fragilisée par le terrorisme, et son président Asif Ali Zardari.
   Dès la sortie de Karachi, la plus grande ville du pays, un premier convoi qui prenait la route pour cette manifestation itinérante de quatre jours vers Islamabad a été bloqué par un barrage de police.
   Une vingtaine de personnes ont été arrêtées et le convoi a été contraint à la dispersion. «Notre lutte continue. Si nous sommes arrêtés, d'autres gens rejoindront Islamabad en secret», a assuré à l'AFP un avocat, Rashid Razvi.
   Avocats en robe noire ou opposants politiques, le poing dressé, des milliers de manifestants s'étaient rassemblés auparavant dans les grandes villes, en particulier Karachi, où 90 personnes au moins ont été arrêtées, et Lahore, la deuxième ville du Pakistan.
   Aux cris de «Dehors, Zardari dehors», ils réclamaient au président Zardari qu'il tienne sa promesse de rétablir dans leurs fonctions des juges révoqués en 2007 par le régime militaire de Pervez Musharraf, dont l'ancien président de la Cour suprême Muhammad Iftikhar Chaudhry.
   Les manifestants ont prévu de converger vers Islamabad lundi, après un parcours de 1.500 kilomètres, défiant les autorités qui ont arrêté depuis mardi des centaines d'opposants.
   Les avocats, à l'origine du mouvement, ont été rejoints par les partis d'opposition, en particulier depuis que la Cour suprême a prononcé le 25 février l'exclusion de la vie politique de Nawaz Sharif, rattrapé par un passé judiciaire chargé.
   Cette décision a déclenché une contestation sans précédent depuis les élections de février 2008 et la fin du régime Musharraf, menée par l'ancien Premier ministre et son frère Shahbaz que les autorités menacent de poursuites pour «sédition» pour avoir appelé au soulèvement populaire.
   En ligne de mire, Asif Ali Zardari, un président qui n'a jamais vraiment réussi à asseoir sa légitimité, arrivé au pouvoir après l'assassinat fin 2007 de son épouse Benazir Bhutto et la victoire électorale du Parti du Peuple Pakistanais (PPP) que celle-ci dirigeait.
   Or, le juge Chaudhry, l'homme dont le sort est au centre de la contestation, serait en mesure, s'il retrouvait ses fonctions, de lever l'amnistie qui a permis l'élection de M. Zardari.
   Le duel au sommet qui oppose le chef de l'Etat et Nawaz Sharif a fait ressurgir le spectre des anciennes luttes des années 90 entre les clans Sharif et Bhutto, lorsque Nawaz Sharif et Benazir Bhutto étaient Premiers ministres en alternance.
   Mais à l'heure où le Pakistan, devenu puissance nucléaire, est tenu en échec dans sa lutte contre les talibans et Al-Qaïda, tous les commentateurs soulignent le danger potentiel d'une déstabilisation de ce pays.
   Et les arrestations de mercredi ont jeté le discrédit sur le régime qui a succédé à plus de huit ans de pouvoir militaire, l'organisation des droits de l'homme Human Rights Watch, par exemple, jugeant que la transition démocratique au Pakistan était ainsi «mise en péril».
   «Tout le bien qui pouvait être entrevu après les élections de l'an dernier est mort», commentait le grand quotidien The News.