Il a aujourd'hui 38 ans, et deux enfants. Norng Chan Phal avait huit ans quand les Vietnamiens entrèrent dans Phnom Penh, mettant un terme à la terreur khmer rouge. L'enfant, lui, était enfermé à Tuol Sleng, le centre de détention et de torture dont il est l'un des rares survivants connus.

Le procès de «Duch», 66 ans, directeur à l'époque de ce centre de torture S-21, s'ouvre mardi. Trente ans après, c'est le premier d'un responsable du génocide cambodgien des années 1975-79.

Sur les quelque 16.000 hommes, femmes et enfants enfermés et torturés à Tuol Sleng, on n'avait connaissance jusqu'à présent que de 14 survivants adultes. Mais il y a aussi quelques enfants, dont Norng Chan Phal.

La semaine dernière, des images jusqu'ici inconnues de la libération de Tuol Sleng par les Vietnamiens ont en effet été découvertes, fournies par les autorités vietnamiennes: on y voit les soldats trouvant des cadavres d'adultes, parfois décapités, mais aussi des enfants, vivants.

Au cours d'une conférence de presse, Phal a expliqué comment il avait survécu, avec trois autres enfants, dont son frère. Leur père avait été arrêté et enfermé à Tuol Sleng en 1978, suivi six mois plus tard par sa femme. Les deux enfants furent emmenés avec leur mère, envoyés aux cuisines et séparés d'elle, qu'on enferma au deuxième étage. «J'ai vu ma mère nous regarder à travers la fenêtre. Le jour suivant, je ne l'ai plus jamais revue», dit-il, avant d'éclater en larmes en racontant son retour à Tuol Sleng, devenu musée du génocide. «Je regarde cet endroit où j'ai vu ma mère se faire frapper et brutaliser, et j'ai pitié d'elle».

En janvier 1979, il s'était caché avec d'autres enfants dans une pile de linge sale, les gardes les cherchant partout alors qu'ils chargeaient les derniers prisonniers pour les évacuer avant l'arrivée des forces vietnamiennes.

«Une femme est venue pour chercher les enfants. J'ai appelé mon frère pour qu'il se cache. Ils étaient pressés, et ne nous ont pas trouvés. Je me suis caché, et j'espérais que ma mère nous trouve».

Ce sont les soldats vietnamiens qui les récupèreront, leur donnant à manger avant de les emmener à l'hôpital. Phal a grandi à l'orphelinat.

Deux des photographes vietnamiens ayant pris ces images de leur entrée dans Tuol Sleng étaient eux aussi à la conférence de presse: Ho Van Tay et Dinh Phong, ont retrouvé Phal qu'il avaient découvert à l'époque, nu, couvert de piqûres d'insectes et très affaibli. Ils ont raconté avoir découvert les cinq enfants cachés à leur arrivée dans la prison. L'un d'eux est mort de faim par la suite.

Ces films ont été récemment fournis par le gouvernement vietnamien au Centre de Documentation pour le Cambodge, un organisme qui avait l'aide de fonds américains a déjà rassemblé plus d'un millions de documents sur l'époque khmer rouge.