Il sera le premier ex-responsable khmer rouge à comparaître devant la justice internationale: Kaing Guek Eav, alias «Duch», qui dirigeait du centre de détention et de torture S-21 à Phnom Penh, est jugé à compter de mardi pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité à l'époque du régime communiste responsable du génocide de quelque 1,7 millions de Cambodgiens entre 1975 et 1979.

Après des années de retards et de tractations laborieuses, le simple fait de voir enfin jugé un des responsables du sanguinaire régime de Pol Pot est considéré comme une victoire: nombre de victimes craignaient qu'aucun ex-dirigeant khmer rouge ne soit jamais traduit en justice: outre «Duch», quatre autres suspects sont aujourd'hui en attente de jugement, tous septuagénaires ou octogénaires. Le «frère numéro un» et chef du régime khmer rouge, Pol Pot, est lui décédé en 1998.

«Cela va être un très grand jour pour le peuple cambodgien, parce que la justice qu'ils attendaient depuis 30 ans commence à se rapprocher de plus en plus», a déclaré le porte-parole de ce tribunal parrainé par l'ONU, Reach Sambath.

«Duch», 66 ans, est en prison depuis 1999. Il est accusé d'une série de crimes, meurtres, tortures, viols et persécutions diverses commises alors qu'il dirigeait la prison S-21 de sinistre mémoire. Connue également sous le nom de Tuol Seng, cet ancienne école vit passer entre ses murs jusqu'à 16.000 personnes, hommes, femmes et enfants, détenues et torturées, avant d'être exécutées pour la plupart. Ce lieu-symbole est devenu le musée du génocide cambodgien.

La terreur khmer rouge dura quatre ans, et prit fin avec l'invasion du Cambodge par le Vietnam voisin. Le régime du Kampuchéa démocratique causa la mort de plus d'1,7 millions de personnes, entre exécutions systématiques des opposants, travail forcé, famine, maladies et épuisement, tout un peuple ayant été renvoyé travailler aux champs dans des conditions extrêmes.

La première audience du procès du tortionnaire présumé du régime devant ces «Chambres extraordinaires des tribunaux cambodgiens» sera consacrée à des questions de procédure. Les premiers témoignages ne devraient commencer qu'en mars. La première audience devrait se dérouler sur deux ou trois jours, et plus d'un millier de personnes devraient y assister, selon le porte-parole du tribunal.

Ce premier procès s'ouvre 30 ans après la chute du régime khmer rouge, 13 ans après la décision de créer ce tribunal hybride mélangeant personnels cambodgiens et étrangers, et près de trois ans après sa création effective.

Le processus, très laborieux, a été ralenti par les querelles politiques entre l'ONU et le gouvernement cambodgien actuel, dirigé par l'homme fort Hun Sen, lui-même ex-khmer rouge, et les accusations de corruption et d'ingérence.

Les autres détenus sont l'ancien chef de l'État Khieu Sampahn, Ieng Sary, ancien chef de la diplomatie et son épouse Ieng hirith, qui était ministre des affaires sociales, et enfin Nuon Chea, l'idéologue du régime et «frère numéro deux».