Des milliers de «chemises rouges» --surnom des partisans de l'ancien homme fort de la Thaïlande Thaksin Shinawatra-- ont manifesté samedi à Bangkok contre le nouveau gouvernement d'Abhisit Vejjajiva, qualifié «d'illégitime», exigeant son départ dans un délai de 15 jours.

Alors que la nuit tombait, un général de police a estimé à 30 000 le nombre de manifestants rassemblés dans le parc de Sanam Luang. Ils étaient tous vêtus de rouge, couleur de ralliement des partisans de M. Thaksin qui vit en exil. «Le gouvernement a 15 jours» pour partir, a lancé à la foule Jatuporn Prompan, un des lieutenants de M. Thaksin, en promettant un mouvement de protestation long et permanent si les autorités ignoraient cet ultimatum.

S'inspirant des tactiques employées par les «chemises jaunes» --mouvement rival d'obédience royaliste ayant précipité la chute du gouvernement pro-Thaksin en décembre--, les «chemises rouges» ont annoncé leur intention de marcher dans la soirée en direction du siège du gouvernement pour exiger la dissolution du Parlement et la convocation d'élections anticipées.

«Nous n'entrerons pas dans Government House», a toutefois précisé M. Jatuporn.

Plus de 5 000 policiers ont été déployés dans le secteur et d'autres unités, y compris de l'armée, ont été placées en état d'alerte pour parer à tout débordement, selon des responsables des services de sécurité.

S'adressant aux manifestants, Jakrapob Penkair, ancien ministre, a accusé l'armée d'avoir favorisé l'émergence du gouvernement Abhisit, dominé par le Parti démocrate. «Comment le parti qui a perdu trois fois les élections peut-il devenir le gouvernement?»

Weng Tojilakarn, autre organisateur du rassemblement, a lancé à la foule qui agitait des drapeaux thaïlandais: «Ce gouvernement est venu de manière illégitime. C'était un coup d'État déguisé car l'armée l'a aidé».

Outre la dissolution du Parlement, les manifestants réclament des poursuites contre les responsables des «chemises jaunes» qui ont mené des actions «coup de poing» l'an dernier sans être inquiétés jusqu'ici par la justice.

Les «chemises jaunes», regroupées au sein d'une «Alliance du peuple pour la démocratie» (PAD), avaient occupé pendant trois mois le siège du gouvernement à Bangkok avant de prendre d'assaut, en novembre 2008, les deux aéroports de la capitale thaïlandaise.

Leur campagne avait abouti à la chute du gouvernement pro-Thaksin et à l'accession au pouvoir de M. Abhisit, devenu premier ministre le 15 décembre à la faveur d'un renversement d'alliance parlementaire.

Le gouvernement Abhisit compte un ministre, Kasit Piromya (Affaires étrangères), et deux conseillers qui ont participé au mouvement des «chemises jaunes». M. Kasit est qualifié de «terroriste» par les lieutenants de M. Thaksin qui exigent son limogeage.

Samedi, M. Abhisit était absent de Bangkok. Depuis Davos (Suisse), il a affirmé que le gouvernement ferait «en sorte que ce qui s'est produit l'an dernier ne se répète pas».

«Les gens veulent aller de l'avant, surmonter les divisions, et voir que le gouvernement travaille dur, honnêtement, pour résoudre leurs problèmes. Si nous pouvons continuer de travailler comme nous l'avons fait au cours du dernier mois, je ne suis pas inquiet», a assuré le premier ministre thaïlandais en marge du Forum économique mondial.

M. Thaksin, qui a gouverné la Thaïlande de 2001 à 2006, a été renversé par des généraux royalistes et s'est enfui à l'étranger pour échapper à des enquêtes anticorruption.

Ses lieutenants étaient revenus au pouvoir à l'occasion des législatives de décembre 2007 mais le parti pro-Thaksin a été dissous le mois dernier sur ordre de la Cour constitutionnelle.