L'ex-Premier ministre bangladaise Cheikh Hasina Wajed, qui a triomphalement remporté les législatives, est une bête politique depuis 20 ans: fille du père de l'indépendance du Bangladesh, elle a réchappé d'un attentat et était en prison il y a six mois pour corruption et meurtres.

A 61 ans, cette femme à poigne affichant un éternel sourire est assurée de retrouver le poste de chef du gouvernement qu'elle avait perdu lors des élections de 2001 au profit de sa rivale de toujours, Mme Khaleda Zia.Premier ministre de 1996 à 2001, Cheikh Hasina Wajed avait auparavant vécu dans l'ombre de son père: Cheikh Mujibur Rahman tué en 1975 par des militaires alors qu'il était le premier président du Bangladesh, l'ex-Pakistan oriental devenu indépendant en 1971 grâce à l'appui de l'armée indienne contre les troupes pakistanaises.

Hasina et sa soeur se trouvaient à l'étranger au moment de ce coup d'Etat militaire qui coûta aussi la vie à sa mère et à ses trois frères.

Passionnée de politique dès sa jeunesse, Hasina se marie en 1968 à un scientifique de l'industrie nucléaire, M.A. Wajed Miah, avec lequel elle a deux enfants vivant aux Etats-Unis.

Héritière d'une dynastie politique, elle prend la tête de la Ligue Awami de son père, une formation laïque de centre-gauche fondée en 1948 lors de la Partition du sous-continent indien, réputée proche de l'Inde et donc plutôt hostile au Pakistan.

En 1990, elle s'allie avec l'autre «bégum», Khaleda Zia, chef du Parti nationaliste du Bangladesh, pour évincer le dictateur d'alors, Hussain Muhammad Ershad: ce pays musulman laïc entame alors une longue plage démocratique jusqu'à la fin 2006. Près de 20 années au cours desquelles Hasina et Khaleda, qui se détestent, sont tour à tour Premier ministre et opposante.

Dans l'opposition en août 2004, Hasina échappe à une tentative d'assassinat lorsque des combattants islamistes ouvrent le feu et lancent des grenades dans sa direction, tuant 20 personnes et faisant des centaines de blessés.

Deux ans plus tard, la Ligue Awami est le fer de lance des manifestations violentes contre le régime finissant de Khaleda Zia: en octobre 2006, 35 personnes sont tuées, ce qui persuade les forces armées bangladaises de mettre sur pied un gouvernement de transition, d'imposer l'état d'urgence le 11 janvier 2007 et d'annuler les législatives programmées dix jours après.

Les troubles d'octobre 2006 et l'assassinat de quatre manifestants par des militants de la Ligue Awami vaudront à Hasina d'être inculpée de complicité de meurtres.

Placée en détention en juillet 2007, poursuivie aussi pour extorsion de fonds et corruption présumées, la politicienne est libérée sous caution en juin dernier pour lui permettre de participer aux élections. Personne ne sait aujourd'hui ce qu'il adviendra des poursuites judiciaires engagées.

Au printemps 2007, le gouvernement intérimaire avait tenté en vain de contraindre Hasina à l'exil et d'expulser en Arabie saoudite Khaleda Zia dans le cadre d'une vaste purge de la classe dirigeante accusée d'être corrompue.

Insubmersible, Hasina signe une nouvelle fois son retour au sommet de l'Etat. «Je vous servirai jusqu'à la mort», avait-elle lancé samedi à 100.000 partisans lors de son dernier meeting de campagne.