L'escalade politique et militaire entre l'Inde et le Pakistan a franchi un nouveau palier vendredi avec l'annonce de renforts pakistanais à la frontière, pendant que New Delhi réunissait son état-major et déconseillait à ses ressortissants de se rendre au Pakistan.

Ces mesures sont un nouveau signe du pourrissement des relations entre les deux puissances nucléaires rivales, au plus bas depuis les attentats de Bombay du 26 novembre, imputés par New Delhi à un groupe islamiste basé au Pakistan.

Le Pakistan a annulé les permissions d'une partie de ses soldats et massé plusieurs milliers d'entre eux près de sa frontière avec l'Inde, ont annoncé vendredi à l'AFP plusieurs responsables pakistanais sous couvert d'anonymat.

«Nous ne voulons créer aucune hystérie guerrière, mais nous devons prendre des mesures de sécurité minimales pour prévenir toute menace», a expliqué un haut responsable militaire.

Si le porte-parole militaire pakistanais, le général Athar Abbas, s'est refusé à tout commentaire, plusieurs responsables ont précisé que ce redéploiement concernait plusieurs milliers de soldats présents jusque-là dans les régions instables du nord-ouest.

L'un d'eux a ajouté que l'armée pakistanaise avait pris ces mesures après avoir appris que New Delhi avait agi de même de son côté.

Les milliers de soldats pakistanais redéployés seront donc envoyés «en face des points où l'on pense que l'Inde a massé des troupes», a ajouté un autre responsable pakistanais, membre des services de sécurité.

La tension semblait également palpable à New Delhi, où le Premier ministre indien Manmohan Singh a réuni vendredi l'état-major inter-armées, pour faire le point sur «l'état de préparation» du dispositif de défense de l'Inde, selon un responsable des services du Premier ministre, qui a requis l'anonymat.

Les chefs des trois armes lui ont présenté «les scénarios des menaces militaires conventionnelles» et les «mesures mises en place pour y faire face», a-t-il déclaré.

Autre signe de raidissement, l'Inde a recommandé vendredi à ses ressortissants de ne pas se rendre au Pakistan, après que la presse pakistanaise a annoncé l'arrestation de plusieurs Indiens soupçonnés d'avoir commis un attentat meurtrier mercredi à Lahore (est du Pakistan).

Islamabad n'a jusqu'à présent ni confirmé ni démenti ces informations.

Après les attaques de Bombay, qui ont fait 172 morts dont neuf des assaillants, tant New Delhi qu'Islamabad ont déclaré ne pas vouloir la guerre, tout en avertissant qu'ils riposteraient s'il y avait des provocations de la part de l'autre partie.

Ces tensions entre deux de ses alliés inquiètent les Etats-Unis, dont les dirigeants ont récemment multiplié les visites à New Delhi et Islamabad pour tenter d'apaiser les deux rivaux.

Au-delà de la menace d'un conflit, Washington pourrait notamment s'inquiéter d'une trop forte réduction des effectifs des troupes pakistanaises dans le nord-ouest.

Les Etats-Unis, comme d'autres pays occidentaux engagés en Afghanistan, craignent qu'une baisse de la pression d'Islamabad dans ces régions considérées comme des refuges pour les extrémistes islamistes ne permette à ces derniers de lancer plus d'attaques de l'autre côté de la poreuse frontière afghane.

Parallèlement, les autorités pakistanaises ont entamé une campagne à Muzaffarabad, la capitale du Cachemire pakistanais, «pour préparer les gens à se défendre en cas de situation d'urgence, au vu de la menace persistante d'une agression indienne», a indiqué un responsable local du ministère de la Défense, Ghulam Rasool Nagra.

L'Inde et le Pakistan se sont livré trois guerres au sujet du territoire du Cachemire, qu'ils se disputent depuis 1947.