L'Inde a exclu hier une action militaire contre le Pakistan, qui continue de sévir contre les extrémistes musulmans chez lui, mais elle a qualifié son voisin d'«épicentre du terrorisme islamiste» après les attaques de Bombay, pour lesquelles New Delhi exige d'Islamabad l'extradition de 40 suspects.

L'assurance devrait calmer la controverse née d'un appel présumé du ministre indien des Affaires étrangères Pranab Mukherjee au président pakistanais Asif Ali Zardari, au plus fort des attaques de Bombay, menaçant de frapper son pays.

 

Mukherjee a nié avoir fait un tel appel, plusieurs ont parlé d'un faux, mais le Pakistan, qui avait mis ses forces en état d'alerte, dit détenir l'enregistrement de la conversation téléphonique.

Après trois guerres, un nouveau conflit entre ces puissances nucléaires «n'est pas la solution», a répondu hier Mukherjee à un député qui réclamait une frappe contre le Pakistan en représailles au carnage de Bombay (172 morts).

Islamabad frappe les islamistes

Le gouvernement civil et laïque élu au Pakistan en février semble enfin prendre le taureau par les cornes pour en découdre avec les groupes armés islamistes, dits djihadistes ou partisans de la guerre sainte, qui pullulent dans le pays depuis la guerre contre l'occupation soviétique de l'Afghanistan, de 1979 à 1989.

Après l'arrestation de 16 militants dans un raid nocturne contre le Jamaat-ud-Daawa (JuD) à Muzaffarabad, capitale du Cachemire pakistanais, Islamabad a placé en résidence surveillée huit leaders de la fondation, considérée comme l'aile politique du groupe islamiste armé Lashkar-e-Taïba (LeT), interdit en 2002.

Parmi les huit figurent le fondateur et chef historique du Lashkar, Hafiz Saeed, qui a créé la Jamaat au lendemain de l'interdiction du LeT, mouvement accusé par l'Inde d'avoir organisé et perpétré les attaques de Bombay.

Ces annonces par Islamabad interviennent au lendemain de la décision du Conseil de sécurité de l'ONU de placer, en plus du LeT, la JuD et quatre individus, dont Hafiz Saeed, sur sa liste des personnes ou des entités soutenant le terrorisme.

Les trois autres sont Zaki-ur-Rehman Lakhvi, arrêté au Pakistan et soupçonné d'être le chef militaire du LeT, Haji Muhammad Ashraf et Momon Mohammad Ahmed Bahaï. Lakhvi est décrit comme le planificateur des attaques de Bombay.

L'Inde à l'ONU

L'Inde a en effet porté la question devant le Conseil de sécurité de l'ONU, où le ministre d'État indien E. Ahmed a dénoncé «le lien entre l'État (du Pakistan) ou des éléments au sein de l'État avec des organisations terroristes».

Le Pakistan, lui-même ébranlé par le terrorisme islamiste, comme l'a souligné mardi le président Zardari dans une tribune du New York Times, a répondu que «la meilleure retombée des attaques de Bombay serait de régler le conflit du Cachemire», qui envenime les relations entre les deux pays depuis 61 ans.

Au Parlement indien hier, le premier ministre Manmohan Singh a «pris bonne note des mesures annoncées par le Pakistan», mais a réclamé «beaucoup plus» de la part du pays voisin.

«Il faut réveiller la communauté internationale pour qu'elle s'occupe du terrorisme dont l'épicentre est situé au Pakistan», a-t-il déclaré.

Le premier ministre pakistanais, Yousuf Raza Gilani, a de son côté assuré que son pays remplirait ses obligations. Il «a déclaré que le Pakistan a pris bonne note de l'inscription de certains individus et entités sur la liste des terroristes».

 

Coopération ardue

«Nous avons donné au Pakistan une liste de 40 personnes» soupçonnées d'avoir «pris part à des actions terroristes» et d'avoir «trouvé refuge» au Pakistan, a déclaré hier le ministre des Affaires étrangères, Pranab Mukherjee, devant le Parlement indien.

Sur cette liste figure Dawood Ibrahim, chef mafieux indien recherché pour de monstrueux attentats perpétrés à Bombay le 12 mars 1993 (257 morts) et le Maulana Masood Azhar, un dignitaire musulman pakistanais qui a été libéré par l'Inde en 1999 en échange des passagers d'un avion indien détourné en Afghanistan.

«Vous les arrêtez et vous nous les livrez», a déclaré le ministre à l'adresse du Pakistan.

Mais le Pakistan insiste qu'il veut juger sur son territoire tout suspect qu'il arrête et qu'il n'est pas question d'en extrader vers l'Inde.

L'Inde n'a toujours pas fourni à Islamabad de preuves officielles de l'implication de Pakistanais dans les attaques de Bombay ou d'autres actes terroristes chez elle, a déclaré hier, par ailleurs, le ministère de l'Intérieur pakistanais.

Avec AFP, AP, Reuters, PTI, Indian Express, Dawn