Une fausse alerte terroriste hier à l'aéroport international de New Delhi a traduit, deux semaines après les attentats meurtriers de Bombay, la grande nervosité des autorités indiennes, engagées dans une ronde d'élections provinciales cruciale pour les législatives fédérales attendues d'ici mai 2009.

L'alerte a été donnée par le réseau NDTV, qui a affirmé que trois coups de feu avaient été tirés depuis une voiture contre l'aéroport. Les forces de l'ordre ont fouillé l'aérogare de fond en comble mais sans rien trouver, a dit un responsable.

 

L'Inde est engagée depuis la mi-novembre dans une importante ronde électorale dans cinq États et dans le district fédéral de Delhi, et les attentats de Bombay sont tombés comme un cadeau du ciel pour l'opposition hindouiste du BJP, qui accuse carrément le Parti du Congrès au pouvoir de «faiblesse».

Plusieurs leaders du Parti du Congrès sont partis ou ont été mutés après les attentats de Bombay: le ministre en chef du Maharashtra, dont Bombay est la capitale, a démissionné, de même que le ministre fédéral de l'Intérieur. Le premier ministre Manmohan Singh doit remanier en profondeur son cabinet.

100 millions d'électeurs

Le vote a commencé le 14 novembre dans l'État de Chattisgarh, suivi de Jammu et Cachemire. Samedi, les électeurs du district fédéral de Delhi sont allés aux urnes. Le Madhya Pradesh, le Rajasthan et le Mizoram doivent suivre, avec des résultats attendus après le 8 décembre.

Ces États représentent 100 millions d'électeurs, et 16% des sièges à la Chambre basse du Parlement indien. Le Parti du Congrès, qui a défait le BJP en 2004, a perdu neuf élections provinciales d'affilée. Il doit en gagner quelques-unes pour se présenter sur un bon pied aux fédérales.

Les attentats de Bombay ne pouvaient arriver à pire moment pour lui. La présidente du parti, Sonia Gandhi, a dénoncé ces attentats «barbares». Le BJP, par contre, a acheté de la grosse pub rouge sang à la une des journaux pour clamer: «Combattez la terreur. Votez BJP».

Adeptes de la «politique du pire», les islamo-terroristes du Pakistan, liés aux talibans et à Al-Qaeda, ont tout intérêt à affaiblir le Parti du Congrès, laïque comme la coalition au pouvoir au Pakistan, et à favoriser les extrémistes hindous dont l'islamophobie primaire sert leurs intérêts.

Terrorisme hindouiste

Mais les choses sont plus complexes, estiment des analystes indiens. La cherté de la vie, avec la hausse des prix des aliments et du carburant, joue aussi contre le Parti du Congrès.

Le BJP a son propre bilan noir face au terrorisme, disent-ils. Il y a eu en 2001 l'attentat contre le Parlement indien, et en 1999 il a négocié avec des pirates qui avaient détourné un avion indien à Kandahar et il a libéré des terroristes qui sont venus frapper l'Inde à nouveau.

Il y a aussi le terrorisme hindou lié au BJP que les services indiens sont en train de mettre au jour: le colonel Srikant Purohit, des forces armées, a été arrêté pour des attentats anti-musulmans remontant à 2006; il a été lié à des milices du BJP impliquées dans d'autres attentats.

Enfin, ajoutent ces experts, les élections provinciales ne se jouent pas entre le Parti du Congrès et le BJP seulement. Au Cachemire, le Congrès compte sur un allié musulman local, et ailleurs dans le nord, le BSP, parti des basses castes et des hors-castes (dalits), va faire la différence.