L'Inde a demandé mardi au Pakistan de lui livrer des islamistes soupçonnés d'implication dans les attaques meurtrières de Bombay, mais a exclu un recours à la force contre son voisin, qui a réclamé des «preuves» tout en proposant un mécanisme pour une enquête «conjointe».

Ces exigences réciproques assorties de gestes de détente ont été formulées à la veille d'une visite à New Delhi de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice.

Par ailleurs, après les critiques sur la gestion de la crise par les autorités indiennes, des interrogations sont apparues sur leur incapacité à prévenir les attentats. L'Inde a été prévenue dès octobre par les Etats-Unis de la possibilité d'une attaque «venant de la mer» contre des cibles à Bombay, ont affirmé les chaînes de télévision américaines CNN et ABC.

L'Inde a formellement demandé au Pakistan par l'intermédiaire de son ambassadeur à Islamabad, Satyabrata Pal, qui a vu lundi des responsables diplomatiques pakistanais, de lui livrer une vingtaine de suspects.

En tête de la liste figure Hafeez Sayeed, le chef du groupe islamiste Lashkar-e-Taiba, basé au Pakistan et actif au Cachemire, accusé d'avoir entraîné les auteurs des attentats de Bombay.

Le ministre indien des Affaires étrangères Pranab Mukherjee a cependant assuré que son pays n'envisageait pas d'action militaire contre le Pakistan, à l'issue d'une réunion du Conseil de sécurité indien, l'organe suprême en matière d'affaires militaires et diplomatiques.

Une source gouvernementale indienne a déclaré à l'AFP que New Delhi «calibrerait soigneusement» sa riposte aux attentats.

De son côté, Islamabad a proposé à l'Inde la création d'un «mécanisme d'enquête conjointe», a déclaré le chef de la diplomatie pakistanaise, Shah Mehmood Qureshi.

Auparavant, le Premier ministre pakistanais Yousuf Raza Gilani avait demandé à l'Inde de fournir des preuves de ses affirmations selon lesquelles tous les auteurs des attaques venaient du Pakistan.

«Ils nous ont donné des noms d'organisations... mais cela ne constitue pas une preuve. S'ils nous fournissent des preuves, nous nous engageons à apporter une entière coopération», a déclaré M. Gilani sur CNN.

Le ministère indien des Affaires étrangères a convoqué lundi l'ambassadeur du Pakistan, Shahid Malik, pour l'informer que «la récente attaque terroriste à Bombay avait été menée par des éléments venant du Pakistan».

Un message lui a été remis demandant qu'«une action énergique soit menée contre les éléments responsables de cette attaque, quels qu'ils soient», a ajouté le ministère.

La Maison Blanche a assuré pour sa part n'avoir aucune raison de douter du gouvernement d'Islamabad ni de sa volonté de coopérer à l'enquête. A Londres, Mme Rice a appelé le Pakistan à une «coopération complète, absolue et totale», tout en assurant «ne pas vouloir tirer de conclusions hâtives».

Selon elle, le gouvernement pakistanais doit «suivre les indices où qu'ils mènent» et «il doit le faire de la façon la plus résolue et la plus ferme possible».

Inde et Pakistan, devenus des puissances nucléaires, se sont affrontés au cours de trois guerres et ont été au bord d'un quatrième conflit en 2001 après un attentat contre le Parlement indien attribué au Lashkar-e-Taiba.

L'Inde était informée de risques d'attentats similaires à ceux qui se sont produits, selon CNN et ABC.

Selon des responsables anonymes cités par ABC, les services secrets américains ont prévenu leurs homologues indiens à la mi-octobre de la possibilité d'une attaque «par la mer contre des hôtels et des centres commerciaux de Bombay».

L'un de ces responsables aurait même mentionné des cibles spécifiques telles que l'hôtel Taj Mahal, qui a effectivement été visé, selon ABC.

Les médias indiens avaient déjà fait état d'informations précises en possession des services indiens pour certaines depuis février 2008 concernant la préparation par des membres du Lashkar-e-Taiba d'une attaque sur des hôtels cinq étoiles de Bombay et sur une opération visant la ville par la mer.

En Israël, les funérailles de six juifs, dont quatre Israéliens, tués dans le centre Beit Chabad du mouvement orthodoxe loubavitch, lors d'une des attaques à Bombay, se sont déroulées mardi. Ils ont été ramenés par avion militaire israélien.

Le bilan encore provisoire des attentats s'établissait mardi à 188 morts, dont une trentaine d'étrangers.