Trois jours après le début des attaques coordonnées qui ont frappé le coeur de l'Inde, des offensives menées par des commandos d'élite ont permis de reprendre les deux hôtels de luxe et le centre communautaire juif attaqués mercredi soir. Le siège de Bombay est terminé, mais pas son cauchemar. Pendant que les rescapés décrivent l'horreur, le bilan des victimes ne cesse de s'alourdir.

blank_pageTard hier soir, des médias indiens ont rapporté que les derniers otages encore prisonniers du Taj Mahal Palace venaient d'être libéré par un commado. «Tous les terroristes ont été tués, toutes les opérations sont terminées», a déclaré le chef de police à la chaîne NTDV. Un journaliste de la BBC a aussi rapporté au même moment que les tirs et les fortes explosions qui avaient retenti à plusieurs reprises à l'intérieur du luxueux hôtel, peu de temps auparavant, avaient cessé. Une cinquantaine de corps inanimés avaient déjà été découverts dans cet hôtel, dont de 12 à 15 cadavres dans une seule chambre, a confirmé le commandant d'une unité d'élite.

Le bilan des attentats s'élevait ainsi hier à 160 morts et 327 blessés, selon la chaîne de télévision CNN. Un bilan peut-être partiel. «Une fois les cadavres rassemblés, le nombre des morts pourrait aller jusqu'à 200», a déclaré le ministre d'État aux Affaires intérieures de l'Inde à l'agence de presse PTI. On a confirmé hier la mort de 19 ressortissants étrangers, dont le médecin montréalais Michael Moss (voir autre texte) et un autre Canadien, deux Australiens, un Britannique, un couple de Français et cinq Américains. Une quinzaine de terroristes sont aussi tombés sous les balles.

Opération spectaculaire

En mi-journée, des commandos ont mené une opération spectaculaire pour libérer les otages retenus dans le centre communautaire Chabad. Vêtus d'habits de combat de couleur sombre, ils se sont laissés glisser le long de filins du haut d'un hélicoptère jusqu'au toit du centre et ont pénétré discrètement dans le bâtiment. Ils ont abattu deux terroristes lourdement armés, mais n'ont pu sauver les cinq otages. «Nous avons découvert les corps de trois otages morts depuis un certain temps. Nous avons coincé deux terroristes au quatrième étage et les avons neutralisés. Là, nous avons trouvé deux autres corps», a raconté aux journalistes le chef du commando, Jyoti Krishna Dutt.

Le rabbin Gavriel Holtzberg et sa femme Rivka, deux New-Yorkais qui dirigeaient le centre, y ont été découverts sans vie. Leur fils de 2 ans a réussi à quitter les lieux avec sa nourrice. Ils sont les seuls miraculés de cette prise d'otages.

Les forces d'élite indiennes ont également repris hier l'hôtel Oberoi Trident et libéré 143 personnes, dont plusieurs touristes étrangers et des hommes d'affaires. Entourés de cadavres, retranchés dans leurs chambres d'hôtel sans nourriture ni eau pendant 36 heures, les rescapés ont livré des témoignages dramatiques. «Ce sont des gens impitoyables. Ils ouvraient le feu sur quiconque se trouvait face à eux, a raconté l'un des rescapés. Il y avait du sang partout... des corps gisant çà et là.» Les chaînes de télévision continue ont rapporté des dizaines de témoignages semblables, plaqués sur les images d'enfants, d'hommes et de femmes ensanglantés. «Je ne me réveillerai jamais

de ce cauchemar», a raconté à un journaliste de CNN un garçon de 13 ans alité dans un hôpital de Bombay, les yeux couverts d'un bandage souillé.

La peur s'est insinuée dans les rues de la cité meurtrie. Les bureaux, les écoles et les commerces du sud de Bombay se sont vidés en quelques minutes, hier après-midi, quand la fausse rumeur d'une fusillade à la gare de chemin de fer s'est répandue comme une traînée de poudre. «La population est apeurée, anxieuse. On reçoit des milliers d'appels chaque jour», a raconté un commissaire de police à la BBC.

Le Pakistan dans la ligne de mire

L'identité des commanditaires de ce carnage n'a pas encore été confirmée, mais l'Inde a pointé un doigt accusateur en direction de son voisin, hier. «Selon des informations préliminaires, certains éléments au Pakistan sont responsables des attaques», a déclaré hier le ministre des Affaires étrangères, Pranab Mukherjee. Trois extrémistes (dont un Pakistanais) appartenant à un groupe islamiste établi au Pakistan ont été arrêtés à l'hôtel Taj Mahal Palace. Ces hommes feraient partie du groupe qui a attaqué le parlement indien en 2001 et précipité l'Inde et le Pakistan au bord d'une nouvelle guerre.

Selon des sources proches de l'enquête citées par NDTV, plusieurs éléments saisis, dont des téléphones, laissent penser que les attaques étaient planifiées depuis près de six mois à Karachi, au Pakistan.

Le ministre pakistanais de la Défense, Ahmed Mukhtar, a nié toute implication d'Islamabad : «Je dirai en des termes très catégoriques que le Pakistan n'est pas impliqué dans ces incidents sanglants.» De son côté, Londres n'a pas écarté la possibilité que des ressortissants britanniques aient pu être impliqués.

D'après Reuters, AP, AFP, NDTV, BBC et CNN