Les exilés tibétains, dont une frange réclamait une radicalisation de la lutte contre la domination chinoise, se sont finalement alignés samedi sur la ligne conciliante prônée par le dalaï lama malgré l'échec d'années de négociations avec Pékin.

«Nous désirons poursuivre la voie moyenne», a déclaré le président du parlement tibétain en exil, Karma Chophel à l'issue de la session qui a rassemblé quelque 600 délégués à Dharamsala (nord de l'Inde), où le dalaï lama vit réfugié depuis 1959.

La décision, après une semaine de palabres dans cette bourgade accrochée sur les contreforts de l'Himalaya, a été approuvée par acclamation.

Le rassemblement, le plus important en 60 ans de la communauté tibétaine, n'en était pas moins largement symbolique, l'assemblée n'ayant aucun pouvoir décisionnel, apanage du Parlement et du gouvernement tibétains en exil.

L'éventuelle radicalisation -- indépendance du Tibet plutôt qu'une simple autonomie-- n'a pas eu lieu.

Et à ce titre, la réunion de Dharamsala fait office de mise au point auprès d'une frange de la jeunesse tibétaine, indépendantiste, amère, qui menaçait de déborder l'ancienne génération du vieux dignitaire bouddhiste.

Le dalaï lama, âgé de 73 ans et à la santé fragile, reste bien l'unique figure de la cause tibétaine.

«Sa ligne est pragmatique. Elle peut apporter le changement», a déclaré à l'AFP un moine de 29 ans qui assistait à la réunion.

Respecté dans le monde entier, reçu par les chefs d'Etat, l'homme à la tunique safran et au rire communicatif continue d'incarner les espoirs de six millions de Tibétains vivant au Tibet ou en exil.

«Les Tibétains sont prêts pour le changement», avait pourtant assuré un peu plus tôt Lhadon Thethorg, déléguée et représentante à New York de l'organisation Students for a Free Tibet (Etudiants pour un Tibet Libre).

«Qu'il s'agisse de la +voie moyenne+ ou de l'indépendance du Tibet, les gens veulent une action plus vigoureuse», avait-elle dit.

Chef spirituel et dirigeant politique pragmatique, le dalaï lama a renoncé à revendiquer l'indépendance et a choisi une diplomatie dite de la «voie moyenne» consistant à réclamer une large «autonomie culturelle».

Réaliste, il sait que la Chine ne reviendra jamais sur sa souveraineté sur le Tibet qu'elle contrôle depuis 1951.

Depuis lors, ce fin diplomate s'était toujours montré conciliant avec Pékin, même en pleine révolte au printemps dernier à Lhassa. Une révolte à laquelle il avait réussi à donner un retentissement international avant les jeux Olympiques.

Le dalaï lama avait reconnu lui-même l'échec de la revendication autonomiste fin octobre et révélé qu'il réfléchissait à une stratégie plus radicale que sa diplomatie traditionnellement conciliante avec Pékin, qui a annexé le Tibet en 1951.

Des émissaires du dalaï lama et des représentants chinois discutent officiellement depuis 2002 mais les derniers pourparlers, début novembre en Chine, ont capoté, Pékin affirmant qu'il ne ferait «jamais de concession» même sur une «semi-indépendance» du Tibet.

La Chine avait prévenu par avance à plusieurs reprises que la réunion de Dharamsala ne mènerait «nulle part», tout en appelant son voisin indien à ne pas tolérer sur son sol des activités «indépendantistes».

Le dalaï lama est la bête noire de Pékin, qui l'accuse d'être un dangereux séparatiste, sous couvert de la religion.

Les exilés tibétains, dont bon nombre de jeunes, sont plus de 100.000 en Inde. La plupart y sont nés et n'ont jamais mis les pieds au Tibet.