Le Vietnam, inquiet de l'augmentation de sa population, envisage de limiter plus strictement le nombre d'enfants par famille, une proposition dont les démographes de l'Onu craignent des effets pervers.

Le régime communiste défend depuis des décennies le modèle familial de deux enfants maximum, mais il est appliqué plus ou moins rigoureusement suivant les périodes.

La politique a parfois été assortie de sanctions en cas de manquement - blâmes, expulsions pour les membres du Parti communiste, mesures disciplinaires au travail pour d'autres.

Mais en 2003, elle a été assouplie, dans une régulation qui encourage les couples à limiter les naissances sans explicitement leur interdire un troisième enfant.

La mesure est «tellement générale que les gens ne l'ont pas comprise», estime aujourd'hui Duong Quoc Trong, directeur adjoint du département général de la Population et du Planning familial.

Selon son service, le nombre de naissances d'un troisième enfant a progressé de 10% au Vietnam sur un an, à 93.000.

Or estime-t-il, «le boom démographique porte atteinte au développement durable du pays». Un pays dont la population est estimée à 86 millions d'habitants, âgés pour près des deux-tiers de moins de 35 ans.

Mardi, le gouvernement a donc adopté un projet qui doit être soumis aux députés. Il réaffirme clairement le droit des couples à deux enfants seulement. Avec des exceptions notamment pour les membres d'éthnies minoritaires dont la population ne dépasse pas les 10.000 ou des parents dont un enfant serait atteint d'une maladie très grave.

L'idée rend cependant sceptique le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), selon qui la proportion de femmes avec plus de deux enfants ne cesse au contraire de décroître: de 21,5% en 2003 à 16,7% en 2007.

La «population du Vietnam va continuer à augmenter sur les 30 prochaines années (...) en raison du taux élevé de fertilité des 15 à 20 dernières années», reconnaît Tran Thi Van, représentante adjointe de l'UNFPA à Hanoï.

Mais ce taux de fertilité est aujourd'hui aussi sur une pente descendante, et même sous le taux de reproduction (2,07 en 2007). Dans ces conditions, en limitant le nombre d'enfants, le Vietnam risque d'avoir des difficultés «à augmenter sa population dans quelques décennies», met-elle en garde.

Les couples choisissent parfois d'avoir plus de deux enfants parce que les deux premiers ont été des filles. Le pays reste en effet marqué par une nette préférence pour les garçons, qui s'occupent traditionnellement de leurs parents âgés quand leurs soeurs, mariées, partent vivre dans leur belle-famille.

Pour la même raison, quand ils veulent un faible nombre d'enfants, certains ont recours à l'avortement sélectif.

L'UNFPA pointe d'ailleurs un déséquilibre croissant entre filles et garçons à la naissance. Il risque de s'aggraver si ceux qui souhaitent davantage d'enfants n'y sont pas autorisés.

Plutôt qu'une stricte restriction, l'agence de l'Onu préconise une meilleure information sur la contraception et un investissement dans l'éducation pour tirer profit de cette population jeune, nombreuse, essentielle dans quelques années au marché du travail.

Cette «génération d'enfants sera très importante pour le pays dans les 20 ans à venir en terme de développement», estime Tran Thi Van.

«Au Vietnam maintenant, l'espérance de vie augmente, le taux de fertilité décroît», poursuit-elle. «S'il n'y a pas une force de travail suffisante alors que la population vieillit, le pays se prépare à beaucoup de problèmes».