Les dizaines de milliers de Birmans qui ont défilé avec les moines bouddhistes contre la junte militaire il y a un an ont exprimé un profond désir de changement, mais de strictes mesures de sécurité empêchent toute nouvelle manifestation, a déclaré vendredi l'opposition.

«Les droits de l'Homme ont été bafoués ici» le 26 septembre 2007 lorsque les forces de sécurité ont commencé à réprimer violemment des défilés conduits par des moines bouddhistes, a dit Nyan Win, porte-parole de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti de l'opposante Aung San Suu Kyi.Le soulèvement des bonzes, baptisé «Révolution safran» et consécutif à une brusque augmentation des prix, avait attiré certains jours jusqu'à 100.000 personnes dans les rues de Rangoun, constituant le plus sérieux défi aux généraux depuis 1988.

Mais des policiers et des soldats étaient ensuite entrés en action, n'hésitant pas dans certains quartiers à tirer sur la foule, faisant 31 morts --dont un journaliste japonais-- et 74 disparus, selon un enquêteur des Nations unies, qui avait aussi dénombré des milliers d'arrestations.

Il y a un an, «j'ai vu des gens exprimer un désir» profond de changement après 45 ans de dictature militaire mais, «en raison de strictes mesures de sécurité, la population ne peut pas manifester comme cela cette année», a déclaré à l'AFP Nyan Win.

Les autorités ont considérablement renforcé la surveillance depuis un mois à Rangoun, la plus grande ville du pays, où des camions de la police sont postés en permanence à certaines intersections. Des soldats effectuent également des exercices anti-émeutes la nuit dans des quartiers abritant des monastères.

Jeudi, l'explosion d'une bombe a fait sept blessés à un arrêt d'autobus devant l'hôtel de ville de Rangoun, mais l'attentat n'a pas été revendiqué.

Les autorités birmanes doivent «rendre des comptes» à la communauté internationale pour la répression brutale d'il y a un an, a estimé vendredi Human Rights Watch (HRW).

Selon cette organisation basée à New York, «la répression en Birmanie s'est accrue», avec 39 arrestations rien qu'en août et en septembre. «Le gouvernement militaire n'a pas tenu les promesses (de réforme) faites il y a un an, en dépit des efforts internationaux de médiation», a dit HRW.

Mardi dernier, les autorités ont libéré sept prisonniers politiques, membres de la LND, dont le célèbre journaliste Win Tin, 79 ans, qui était incarcéré depuis 1989, mais un de ces détenus a été remis en prison le lendemain, selon des opposants en exil.

«J'ai aussi entendu que Win Htein avait été réincarcéré» mercredi, «sans qu'on connaisse la raison», a déclaré vendredi le porte-parole de la LND à Rangoun.

Par ailleurs, les efforts des Nations unies pour relancer un dialogue soutenu entre le régime et l'opposition sont au point mort et les généraux au pouvoir donnent l'impression de vouloir remodeler le paysage politique selon leurs intérêts, indiquent des analystes.

En mai dernier, alors qu'un cyclone meurtrier balayait le sud de la Birmanie, le régime a fait passer en force un projet de Constitution favorable à l'armée et censé ouvrir la voie à des élections législatives en 2010.

Jeudi, le chef de la police nationale, Khin Yee, a tenu une réunion inédite avec six membres du comité exécutif de la LND, a indiqué Nyan Win. «Il a exigé que nous nous rétractions par rapport à une déclaration» préconisant une révision de la nouvelle Constitution, a-t-il dit.

Ce texte rendrait Mme Suu Kyi inéligible, au motif controversé que son époux, décédé d'un cancer en 1999, avait la nationalité britannique.

Mme Suu Kyi, 63 ans, toujours assignée à résidence, a été privée de liberté pendant la majeure partie des 19 dernières années. Depuis la mi-août, elle a multiplié les signes de frustration et de protestation, boycottant une rencontre avec l'envoyé spécial de l'ONU Ibrahim Gambari et refusant pendant un mois certaines livraisons de nourriture.