Au lendemain de l'attentat-suicide au camion piégé qui a frappé l'hôtel Marriott, en plein coeur de la capitale pakistanaise Islamabad, de nouveaux corps ont été retirés dimanche des décombres, portant à 53 morts le dernier bilan, dont l'ambassadeur tchèque. Aucune revendication n'a pour le moment été formulée mais les enquêteurs privilégient la piste d'Al-Qaïda ou des talibans.

 Plusieurs heures après l'explosion, qui a également fait plus de 250 blessés, le feu couvait toujours dans l'hôtel de luxe, très prisé des ressortissants étrangers et de l'élite pakistanaise.

Les équipes de secours fouillaient les ruines de l'hôtel pièce par pièce. Mais les températures restaient très élevées et, par endroits, les pompiers étaient toujours à l'oeuvre pour éteindre les incendies. Le bâtiment principal pourrait s'effondrer. «La structure du bâtiment est dangereuse», a observé Malik Ashraf Awan, un dirigeant de la protection civile. «Elle a absorbé trop de chaleur et de choc».

Un responsable des secours, Khalid Hussain Abbasi, a confirmé la découverte de six nouveaux corps, précisant que le bilan devrait encore s'alourdir. Le Premier ministre Yousuf Raza Gilani a déclaré à la presse dimanche que le bilan était d'"environ 53 morts», parmi lesquels l'ambassadeur de République tchèque, Ivo Zdarek.

Le chef du gouvernement a par ailleurs affirmé que le kamikaze avait d'abord eu l'intention de viser le Parlement ou les bureaux du Premier ministre, où le président et de nombreux dignitaires étaient réunis pour le dîner. Mais les importantes mesures de sécurité l'ont incité à se diriger vers l'hôtel, a-t-il rapporté. «L'objectif était de déstabiliser la démocratie», a souligné M. Gilani. «Ils veulent nous détruire économiquement».

Au moins un Américain figure parmi les tués, selon le Département d'Etat américain. De sources hospitalières, on faisait état de 21 étrangers blessés, dont des Britanniques, des Allemands, des Américains et plusieurs personnes originaires du Moyen-Orient.

L'attentat s'est produit vers 20h samedi, à une heure de pleine affluence dans les restaurants de l'hôtel. L'explosion a laissé un cratère d'une profondeur de 30 mètres devant l'entrée du bâtiment principal. Dimanche, des enquêteurs y recherchaient des éléments.

Le propriétaire de l'hôtel a accusé les forces de sécurité d'avoir failli dans leurs fonctions en permettant que le camion piégé s'approche de l'établissement sans lui tirer dessus. «Si j'avais été là et avais vu le kamikaze, je l'aurais tué. Malheureusement, ils ne l'ont pas fait», a déploré Sadruddin Hashwani.

Cet attentat contre une chaîne d'hôtel américaine survient alors que la colère grandit au Pakistan contre une série d'attaques menées par les forces américaines contre des positions de l'insurrection à la frontière de l'Afghanistan. L'explosion n'a pas été revendiquée, mais de forts soupçons pèsent sur Al-Qaïda et les talibans.

Selon des observateurs, il pourrait s'agir d'un avertissement aux nouveaux dirigeants pakistanais pour qu'ils cessent de coopérer avec les Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme. L'attentat est survenu plusieurs heures après le premier discours du président Asif Ali Zardari devant le Parlement, à environ un kilomètre de l'hôtel.

Le nouveau chef d'Etat, qui s'est envolé dimanche pour New York, où il doit participer à l'Assemblée générale des Nations unies, a appelé les familles des victimes à «faire de cette douleur (leur) force». «C'est une menace, un cancer au Pakistan que nous allons éliminer. Nous ne serons pas effrayés par ces lâches», a-t-il déclaré samedi soir.

Le chef de l'armée, le général Ashfaq Parvez Kayani, a dénoncé une attaque «odieuse», assurant que l'armée restait aux côtés «de la nation dans sa détermination à faire échouer les forces de l'extrémisme et du terrorisme». Les soldats pakistanais ont mené plusieurs offensives contre les insurgés dans le nord-ouest du pays.

L'attentat le plus meurtrier qu'ait connu le pays s'était produit le 18 octobre 2007 et avait visé l'ex-Premier ministre Benazir Bhutto qui avait survécu. Il avait fait environ 150 morts à Karachi lors d'une cérémonie célébrant son retour d'exil. L'épouse de l'actuel président pakistanais avait été assassinée quelques semaines plus tard, le 27 décembre 2007.