L'exode massif de Vénézuéliens a causé ces dernières années de fortes tensions dans les pays voisins et met en évidence le manque de coordination entre les gouvernements sud-américains face à cette crise humanitaire majeure.

Fuyant la pauvreté, l'hyperinflation et les pénuries dans leur pays, 1,6 million de Vénézuéliens ont émigré depuis 2015, d'après les chiffres des Nations unies, sur une population totale de 30,6 millions de personnes.

La Colombie à elle seule a enregistré l'entrée de plus d'un million de ces migrants depuis un an et demi. Le Pérou, le Chili et l'Équateur font aussi partie des pays les plus prisés.

Au Brésil, plus de 50 000 Vénézuéliens ont déposé des demandes d'asile, entrant pour la plupart par Roraima, un État pauvre de la région amazonienne.

Manque de préparation et coopération

«Malheureusement, les autres pays latino-américains ne sont pas assez préparés pour faire face à cette crise gigantesque», déplore Peter Hakim, du centre d'analyses du Dialogue Interaméricain (IAD).

«Ces pays manquent de moyens, d'organisation ou d'installations de santé pour offrir un minimum de soutien à ces migrants», qui arrivent pour la plupart dans des conditions précaires, ajoute-t-il.

Pour ce spécialiste, «chaque pays semble donner sa propre réponse, sans la moindre coopération».

Au Brésil, qui exige seulement une carte d'identité pour laisser les Vénézuéliens entrer sur son territoire, le président Michel Temer a nié farouchement mercredi toute intention de fermer la frontière.

Mais il a admis que son gouvernement envisageait de distribuer des tickets d'entrée pour limiter l'afflux quotidien.

La Colombie, elle, exige que les migrants soient munis d'un passeport ou d'un visa spécial qui leur permet notamment de recevoir des soins médicaux.

«La région a besoin désespérément d'un leadership, de la part de la Colombie ou du Brésil, pour commencer à travailler sur un accord commun sur la façon de faire face à cet exode massif», affirme Peter Hakim.

Une réunion régionale sur le sujet doit avoir lieu lundi et mardi à Quito et l'Organisation des États Américains (OEA) a convoqué une session extraordinaire le 5 septembre.

Tensions sociales

Ce flux migratoire «représente un énorme défi pour les gouvernements», explique David Smilde, membre de WOLA, une organisation spécialisée dans la défense des droits de l'Homme sur le continent américain.

«S'ils ne sont pas accueillis comme il se doit, les migrants peuvent sombrer dans la délinquance et susciter une vague de xénophobie. Mais s'ils sont bien accueillis, la population locale peut aussi se plaindre d'être délaissée», souligne-t-il.

Le cas du Brésil est emblématique. Bien qu'il s'agisse du pays frontalier qui a reçu le moins de migrants, le flux est concentré dans une zone particulièrement défavorisée.

Dans la petite ville frontalière de Pacaraima, d'environ 10 000 habitants, des heurts entre locaux et migrants ont éclaté le 18 août et 1200 Vénézuéliens ont été contraints à regagner leur pays.

Mardi, le président Temer a autorisé par décret le déploiement de l'armée pour assurer le maintien de l'ordre.

Discours populistes

L'institut brésilien de statistiques IBGE a recensé plus de 30 000 Vénézuéliens vivant dans l'État de Roraima, peuplé de 576 000 habitants.

«Il ne me semble pas que le Brésil soit plus réticent que les autres à recevoir des migrants. Le problème, c'est que la région par laquelle ils arrivent est très défavorisée», affirme Kai Kenkel, professeur de relations internationales de l'université catholique PUC de Rio de Janeiro.

Selon lui, «les réfugiés ne représentent pas un risque» pour la sécurité, mais les problèmes liés à l'immigration peuvent être utilisés «dans des discours populistes pour susciter la peur», à un peu plus d'un mois des élections générales.

À Roraima, le candidat d'extrême droite Jair Bolsonaro est largement en tête des intentions de vote, avec 38%, contre 21% pour l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva. À l'échelle nationale, Lula est crédité de 37%, contre 18% pour Bolsonaro.