Le président nicaraguayen Daniel Ortega et son épouse Rosario Murillo participeront au «dialogue national» qui doit s'ouvrir à compter de mercredi pour tenter de trouver une issue à la crise secouant ce pays d'Amérique centrale où les protestations continuent.

Quelques heures avant le début des discussions, des incidents entre manifestants et forces de l'ordre ont fait mardi au moins 35 blessés et 10 personnes ont été arrêtées à Matagalpa, au nord du Nicaragua, selon l'Association nicaraguayenne pro droits de l'homme (ANPDH).

À Masaya, dans le sud du pays, des policiers antiémeutes ont lancé des gaz lacrymogènes contre des habitants qui tentaient de protéger un supermarché contre les pillages, a raconté à l'AFP l'une de ces riveraines. La police a également fait usage d'armes à feu et «a tiré pour tuer», a accusé une habitante, Yesenia Lopez, 37 ans, sans pouvoir indiquer le nombre de blessés.

Dans la capitale du pays, Managua, des parents et élèves de lycées privés ont manifesté aux cris de «justice» et «liberté».

Après presque un mois de contestation, on compte déjà à l'échelle du pays 53 morts et plus de 400 blessés, selon le Centre nicaraguayen des droits de l'Homme (Cenidh).

L'ambassade des États-Unis au Nicaragua a émis mardi une alerte concernant la sécurité de ses concitoyens, en raison des «conditions instables» dans le pays, et annoncé la suspension du processus de délivrance des visas.

«On nous tire dessus, vous n'avez pas honte d'attaquer des personnes non armées, la rue est à nous, bande de lâches! Dehors!», criaient les manifestants selon une vidéo publiée sur internet.

«C'est dur ce qui est en train de se passer, ça ne devrait pas arriver (...) on est inquiets, car il (le président Ortega) parle de dialogue, mais les conditions ne sont pas réunies», a déclaré à la chaîne 100% Noticias German Herrera, dirigeant de l'ANPDH de Matagalpa.

Outre les manifestations antigouvernementales, les coupures de routes se poursuivaient mardi à travers le pays.

Les cours dans les collèges publics étaient suspendus depuis lundi dans la capitale, après que les élèves ont décidé de se joindre aux manifestations.

Jusqu'ici silencieux, le chef de l'État a fait savoir mardi qu'il comptait participer au dialogue, tandis que le camp adverse faisait preuve de méfiance.

«Demain (mercredi) à partir de 10 heures du matin, une fois le dialogue national ouvert par les évêques (qui joueront les médiateurs), nous serons présents», a déclaré Rosario Murillo, l'épouse d'Ortega, qui est également porte-parole du gouvernement.

Il s'agira d'un «évènement historique qui va, j'en suis sûre, oeuvrer pour la paix dans notre pays», a-t-elle ajouté dans des déclarations aux médias d'État.

«Quand Daniel s'en va-t-il ?»

Le délégué universitaire Ernesto Medina et la représentante du monde paysan Francisca Ramirez ont dénoncé avoir été empêchés par le gouvernement de participer aux pourparlers.

«Nous ne sommes pas découragés, nous allons continuer à exiger dans la rue qu'il n'y ait pas un mort de plus (...) la seule chose que nous demandons c'est "Quand Daniel s'en va-t-il ?", car il ne peut plus continuer à gouverner ce pays», a déclaré Mme Ramirez, entourée d'étudiants à un rassemblement à Managua.

Lundi, les étudiants, à l'origine des manifestations, s'étaient dits «disposés» à participer aux pourparlers tout en soulignant que les conditions pour entamer un dialogue ne sont pas réunies. «La répression, le harcèlement, les persécutions et les assassinats dans différentes parties du pays n'ont pas cessé», a déclaré lundi soir le président du Mouvement des étudiants du 19 avril (M-19A), Victor Cuadra.

La contestation, qui a débuté le 18 avril après une réforme des retraites abandonnée depuis, dénonce la confiscation du pouvoir par le président Daniel Ortega, 72 ans, un ex-leader de la révolution sandiniste (1979) au pouvoir de 1979 à 1990 puis depuis 2007.

L'ouverture d'un dialogue, véritable évolution dans la crise nicaraguayenne, intervient après un premier geste d'apaisement de M. Ortega, qui avait accepté vendredi deux conditions «préalables» posées par l'épiscopat à tout dialogue: la fin de la répression des manifestations et l'autorisation pour la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) d'enquêter sur les morts de manifestants.

Lundi, le secrétaire général de l'OEA, Luis Almagro, a annoncé que le gouvernement avait autorisé la venue d'une mission de la CIDH en publiant une lettre du chef de la diplomatie nicaraguayenne Denis Moncada datée de dimanche.

Autre tournant de ce conflit: l'armée nicaraguayenne a pris ses distances samedi avec le président Ortega et a affirmé «qu'elle ne réprimera» pas les personnes manifestant contre le gouvernement, avait déclaré à l'AFP son porte-parole.