Le candidat de droite Mario Abdo Benitez a remporté dimanche l'élection présidentielle au Paraguay, poursuivant l'hégémonie de son parti Colorado, qui gouverne le pays sud-américain presque sans interruption depuis 1947, selon les résultats officiels.

«Le président de la République est Mario Abdo Benitez», a déclaré le président du tribunal électoral, Jaime Bestard, précisant que le candidat a obtenu 46,49% des voix contre 42,72% pour son rival Efrain Alegre, porté par une coalition de centre gauche, des résultats qui portent sur 96% des bulletins et sont «irréversibles».

Son avance est toutefois nettement réduite par rapport à ce qu'anticipaient les sondages, qui lui avaient donné jusqu'à 20 points d'avance ces dernières semaines.

Les autorités électorales ont fait état d'une participation d'environ 65%.

Les 4,2 millions d'électeurs avaient été appelés à choisir le successeur du président sortant Horacio Cartes mais aussi à renouveler leur Parlement et élire les gouverneurs des 17 départements du pays.

Enclavé entre la Bolivie, l'Argentine et le Brésil, le Paraguay, dynamique économiquement mais miné par la pauvreté, la corruption et le trafic de drogue, a été profondément marqué par la longue dictature d'Alfredo Stroessner (1954-1989).

Ce qui n'a pas empêché Mario Abdo Benitez, 46 ans, de l'emporter, malgré les liens de sa famille avec cette époque trouble: le candidat, surnommé «Marito», est le fils de Mario Abdo, secrétaire personnel de Stroessner.

«J'ai gagné mes références démocratiques au cours de ma carrière politique», s'est justifié dimanche «Marito», qui avait pourtant assisté aux funérailles de l'ex-dictateur, en exil au Brésil, en 2006.

Mécontentement 

Le scrutin a été organisé dans un climat de mécontentement général envers le président sortant, comme en a témoigné Alex Giménez, étudiant de 18 ans votant pour la première fois: «La majorité des gens ont de la rancoeur envers Cartes», a-t-il confié après avoir déposé son bulletin.

Horacio Cartes, patron millionnaire de l'industrie du tabac, a misé pendant son mandat sur la croissance économique, d'environ 4% par an grâce aux exportations de soja, de viande et d'électricité.

Mais il n'a progressé ni sur le front de la pauvreté, à un niveau alarmant de 26,4% officiellement, ni sur celui de la corruption, dans ce pays classé 135e sur 180 par l'ONG Transparency International dans son classement annuel de la perception de la corruption.

Le président sortant a reconnu dimanche, après avoir voté, que «tout reste à faire» au Paraguay: «Nous avons des dettes sociales, ce n'est pas concevable qu'avec toute la richesse que nous avons et en étant 7 millions d'habitants, nous ayons ce niveau de pauvreté».

Diplômé en marketing aux États-Unis, «Marito» promet de réformer le système judiciaire pour le rendre plus vertueux et maintenir la même politique économique que son prédécesseur.

Face à lui, l'avocat Efrain Alegre, 55 ans, affichait des ambitions plus sociales, proposant la santé gratuite pour les plus démunis et un allègement drastique de la facture d'électricité pour stimuler investissements et emplois.

Les deux hommes étaient opposés à la légalisation de l'avortement et au mariage pour tous, dans ce pays très catholique.

L'élection de Mario Abdo Benitez, confirme à quel point la population a tourné la page de la période de la dictature, à la faveur du changement de génération, 43% de l'électorat ayant entre 18 et 34 ans.

«La société paraguayenne change plus vite que ses élites politiques, et il y a une génération, de plus en plus influente, qui ne se souvient pas vraiment du régime non-démocratique. C'est une première dans l'histoire du Paraguay», souligne Oliver Stuenkel, professeur de relations internationales à la Fondation Getulio Vargas de Sao Paulo, dans un article publié par Americas Quaterly.