Le conservateur Fabricio Alvarado, ferme opposant au mariage homosexuel, et le candidat de centre gauche Carlos Alvarado s'affrontent dimanche au Costa Rica, au second tour de la présidentielle où un évangéliste est favori pour diriger un des pays les plus progressistes d'Amérique latine.

Pasteur évangélique de 43 ans d'un côté, ex-ministre de 38 ans de l'autre, les deux Alvarado, qui n'ont pas de lien de parenté, ont en plus du même nom de famille d'autres points communs : ils ont été journalistes et aiment pousser la chansonnette.

Au premier tour, le 4 février, Fabricio est arrivé en tête des 13 candidats avec 24,9 % des suffrages, suivi de Carlos, avec 21,6 %.

Le faible écart se retrouve au second tour, avec 43 % des intentions de vote pour le conservateur, contre 42 % pour le candidat de centre gauche, selon un sondage du 23 mars du centre d'études politiques (CIEP) de l'université du Costa Rica (UCR). À noter que la différence est inférieure à la marge d'erreur de 2,8 points.

« Il y a une grande volatilité de l'électorat qui, ajoutée à l'indécision et à l'abstentionnisme rend » difficilement prévisible ce scrutin pour désigner le successeur du centriste Luis Guillermo Solis, juge le politologue Rotsay Rosales, de l'UCR.

Pour l'analyste Gustavo Araya, de la Faculté latino-américaine de sciences sociales (Flacso), ce scénario d'égalité montre que « la population ne sait pas encore quel modèle de développement elle souhaite » pour ce petit pays vivant de l'écotourisme et réputé pour sa tradition démocratique et sa stabilité politique.

Le Costa Rica est considéré comme un des pays les plus progressistes de la région, avec un taux d'alphabétisation de 97,5 % et un investissement supérieur à 7 % du PIB dans l'éducation, selon l'UNESCO.

L'indice de développement humain de l'ONU de 2016 place ce pays centre-américain en 66e position dans le monde, et en 3e place en Amérique latine.

Interdit d'invoquer la religion

Contrairement au premier tour, où Fabricio Alvarado avait surfé sur son opposition au mariage gai, devenu un thème central, l'évangéliste a modéré son discours et les références religieuses pour élargir son électorat et nouer des alliances.

Une autre raison explique ce revirement : cette semaine, la justice électorale a sanctionné pour la deuxième fois son parti Restauration nationale, en lui interdisant d'invoquer la religion pour séduire des électeurs.

Il s'était détaché du peloton de candidats grâce à une prise de position très ferme contre l'union de personnes de même sexe, après une récente décision de justice qui affecte tout le continent.

Le 9 janvier, la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CourIDH), institution émanant de l'Organisation des États américains (OEA), a exhorté les pays de la région à reconnaître le mariage gai, marquant une évolution majeure en Amérique latine, région où les inégalités sont criantes pour la communauté LGBT.

« Tous les droits patrimoniaux issus de liens familiaux de couples du même sexe doivent être protégés, sans discrimination par rapport aux couples hétérosexuels », a écrit la CourIDH, dont le siège est à San José, en réponse à une consultation du gouvernement du Costa Rica.

Bien que non contraignante, cette décision exerce une pression sur les législations locales. Alvarado s'était dit prêt à retirer son pays de la CourIDH.

Carlos Alvarado, de son côté, propose plus de présence de l'État dans l'économie et pour défendre les droits de l'homme, dont les unions entre personnes du même sexe. À la différence de son opposant, vedette de la musique chrétienne, lui préfère le rock et a appartenu à un groupe dans sa jeunesse.

Le mariage gai reste néanmoins présent au second tour.

« Le thème du mariage (homosexuel) n'a pas disparu, on le voit dans les débats, dans les affiches de campagne et dans les réunions des candidats, particulièrement pour monsieur Fabricio Alvarado. C'est un thème important », estime le politologue Rotsay Rosales.

Il relève cependant le fait que la population veuille écouter les positions des candidats sur d'autres sujets tels que la sécurité, l'économie et les infrastructures.

Signe de ce changement, le pasteur souligne d'ailleurs que les membres de son équipe en matière de sécurité et d'économie ne sont pas des religieux.