La Salvadorienne Teodora Vasquez a été libérée jeudi après avoir passé 11 ans en prison pour une fausse couche, considérée par la justice comme un homicide, dans ce pays à la législation antiavortement parmi les plus strictes du monde.

Condamnée en 2008 à 30 ans de prison, Teodora Vasquez avait vu sa peine confirmée en décembre dernier, mais le Tribunal suprême et le ministère de la Justice ont finalement décidé de commuer cette peine, selon son avocat, Victor Hugo Mata.

La femme de 34 ans a quitté dans la matinée la prison pour femmes d'Ilopango, à l'est de la capitale San Salvador, et a été reçue par des acclamations et des accolades de sa famille, dont ses parents et son fils de 14 ans, ainsi que des membres d'associations ayant lutté pour sa libération.

«Elle est libre, Teodora est libre, heureuse de retrouver sa liberté après tout ce calvaire. Elle a déjà revu sa famille et rentre chez elle», a déclaré à l'AFP Jorge Menjivar, porte-parole d'une association plaidant pour la dépénalisation de l'avortement thérapeutique venue l'accueillir à sa sortie de prison.

Dans un communiqué, l'association rappelle que la jeune femme a été «emprisonnée 11 ans pour un crime qu'elle n'a pas commis» et souligne que le Tribunal suprême a estimé que dans ce dossier «il existe des raisons de justice, d'équité et de caractère juridique qui justifient de lui faire bénéficier de la commutation» de sa peine.

En larmes face aux journalistes, Teodora Vasquez a dit vouloir «lutter» pour que les autres femmes emprisonnées pour avoir perdu leur bébé - 27 dans tout le pays - soient elles aussi libérées. «Je vais travailler, lutter pour que d'autres femmes condamnées injustement pour des cas comme le mien puissent un jour retrouver leur liberté», a-t-elle déclaré.

«Je suis heureuse, j'ai perdu beaucoup d'années de ma vie, mais je suis heureuse, car je vais commencer une nouvelle vie», a ajouté Teodora, qui a passé son baccalauréat en prison et espère désormais «aller à l'université.

Elle était enceinte de près de neuf mois quand elle avait appelé les urgences le 14 juillet 2007, des toilettes du collège de San Salvador où elle était employée. N'obtenant pas de réponse, elle avait été victime d'une grave hémorragie et son bébé était mort-né.

En découvrant le cadavre, un autre employé du collège avait prévenu la police et la jeune femme, encore inconsciente, avait été arrêtée.

Plusieurs organismes internationaux, comme Amnistie internationale, avaient apporté leur soutien à Teodora Vasquez, qui a toujours clamé son innocence.

«Il est temps d'en finir avec cette situation de criminalisation des femmes», a déclaré Morena Herrera, de l'association pour la dépénalisation de l'avortement thérapeutique, estimant que la libération de Teodora Vasquez est «une lueur d'espoir».

Le Code pénal salvadorien prévoit une peine de deux à huit ans de prison pour les cas d'avortement, mais dans les faits, les juges considèrent l'avortement ou la perte du bébé comme un «homicide aggravé», puni de 30 à 50 ans de réclusion.

La sévérité de la législation salvadorienne avait connu un écho international en 2013 avec le cas de la jeune Beatriz, 22 ans, qui n'avait pas été autorisée à avorter d'un foetus dépourvu de cerveau.

Après une intervention de la Cour interaméricaine des droits de l'homme, l'État avait finalement autorisé qu'on lui pratique une césarienne. Le nouveau-né était décédé au bout de quelques heures.