Le pape François a fermement condamné mercredi le recours à la violence des indigènes chiliens désireux de faire entendre leurs revendications, lors d'une messe au coeur de leurs territoires ancestraux, au troisième jour d'une visite au Chili marquée par une série d'attaques contre des églises.

Plusieurs attaques aux engins incendiaires ont visé mercredi à l'aube des églises, des hélicoptères d'entreprises forestières dans la région méridionale de l'Araucania, où est arrivé dans la matinée le Saint-Père, selon la police. Trois églises avaient déjà été incendiées mardi dans la même région, et cinq autres ces derniers jours dans la capitale.

«Il est indispensable d'affirmer qu'une culture de la reconnaissance mutuelle ne peut pas se construire sur la base de la violence et de la destruction qui finissent par coûter des vies humaines», a-t-il martelé devant 150 000 fidèles, au cours d'une messe célébrée près de Temuco, sur un aérodrome désaffecté qui servi de centre de détention et de torture sous la dictature (1973-1990), à plus de 600 km au sud de Santiago du Chili.

«On ne peut demander la reconnaissance en détruisant l'autre, car la seule chose que cela éveille, c'est davantage de violence et de division. La violence appelle la violence, la destruction augmente la fracture et la séparation. La violence finit par faire mentir la cause la plus juste», a ajouté le pape.

«Mari, Mari» (bonjour en langue Mapuche) avait lancé le pape, très sensible à la cause des peuples indigènes, au début de son homélie.

«Küme tünngün ta niemün» (La paix soit avec vous), a-t-il ajouté, en rendant hommage à la nature luxuriante de cette région, Araucania, fief en particulier des Mapuches (7% de la population chilienne). «De nombreuses générations d'hommes et de femmes ont aimé et aiment ce sol d'une jalouse gratitude», a rappelé le pape.

Dans une ambiance colorée et chaleureuse, il a salué «spécialement les membres du peuple Mapuche, ainsi que les autres peuples autochtones qui vivent sur ces terres australes : Rapanui (Île de Pâques), Aymara, Quechua et Atacamenos, et tant d'autres».

Il devait déjeuner en privé avec un petit groupe d'entre-eux, juste après la messe.

À l'arrivée des conquistadors espagnols au Chili, en 1541, les Mapuches étaient établis sur un territoire qui s'étendait de la rivière Biobio, au centre de ce pays longiligne, à quelque 500 kilomètres au sud. Cette communauté a résisté à trois siècles de colonisation espagnole.

Mardi, lors de son premier discours prononcé au Chili, devant les autorités politiques et civiles du pays, le pape François avait d'emblée appelé au respect des «droits» et de la «culture» des peuples autochtones.

Hommage aux victimes de la dictature

Le souverain pontife argentin a dédié sa messe mercredi à ces peuples victimes d'injustices, mais surtout à toutes les victimes de la dictature d'Augusto Pinochet.

La messe est célébrée «sur cet aérodrome de Maquehue sur lequel eurent lieu de graves violations des droits de l'homme», a commenté gravement le pape argentin, ajoutant qu'elle était offerte «à tous ceux qui ont souffert et qui sont morts, et à ceux qui, chaque jour, portent sur les épaules le poids de nombreuses injustices».

Le pape François aura une rencontre privée jeudi avec deux victimes de la dictature militaire d'Augusto Pinochet à Iquique, ville à forte concentration de migrants située à 1450 km au nord de la capitale chilienne.

Durant l'unique visite d'un pape au Chili, en 1987, Jean-Paul II était apparu au balcon du palais présidentiel de La Moneda accompagné par le général Augusto Pinochet, une image interprétée comme un aval donné au régime et qui avait irrité beaucoup de Chiliens.

Durant le régime militaire, de septembre 1973 à mars 1990, des violations systématiques des droits de l'homme furent commises. Les autorités estiment qu'environ 40 000 personnes furent assassinées, emprisonnées ou torturées pour des raisons politiques.

La visite du pape au Chili intervient alors que l'opinion publique du pays est horrifiée par une série de scandales d'abus sexuels qui ont impliqué environ 80 membres du clergé chilien ces dernières années. Une cinquantaine de personnes avaient été arrêtées mardi à Santiago au cours d'une manifestation contre la venue du souverain pontife.

Dans un geste d'apaisement, le pape a rencontré mardi en privé un petit groupe de victimes d'abus sexuels, avec qui il a pleuré, selon le Vatican.

PHOTO Manuel Araneda, AP

Un hélicoptère d'une compagnie forestière a été détruit à Caranilahue en marge de la visite du pape par un groupe d'inconnus.