Le pape François, au chevet d'une Église chilienne en chute libre après des scandales de pédophilie perpétrés par des prêtres, a rencontré mardi en privé des victimes d'abus sexuels, au milieu d'une journée marquée par des manifestations.

Le souverain pontife a rencontré à la mi-journée «un petit groupe de victimes d'abus sexuels perpétrés par des prêtres», a annoncé en soirée le porte-parole du Saint-Siège Greg Burke.

«La rencontre (avec les victimes) s'est déroulée dans un cadre strictement privé» et «personne n'était présent (...) pour qu'elles puissent raconter leurs souffrances au pape François, qui les a écoutées et a prié pour elles», a commenté le porte-parole.

Cette rencontre, hors du programme officiel du pape au Chili, était très attendue par l'opinion publique chilienne, horrifiée par une série de scandales qui ont impliqué environ 80 membres du clergé chilien ces dernières années.

«Je ne peux m'empêcher de manifester la douleur et la honte que je ressens face au mal irréparable fait à des enfants par des ministres de l'Église», a déclaré le pape mardi matin devant les autorités politiques et civiles réunies au palais présidentiel de La Moneda.

Dans l'après-midi, dans la cathédrale bondée de la capitale, François s'était adressé sur un ton didactique à des prêtres, religieuses, consacrés et séminaristes sur ce thème. «Je connais la douleur qu'ont provoquée les cas d'abus commis sur des mineurs et je suis de très près ce que l'on fait pour surmonter ce grave et douloureux mal», leur a-t-il dit.

François a évoqué avant tout la douleur des victimes et leurs familles «qui ont vu trahie la confiance qu'elles avaient placée dans les ministres de l'Église».

Mais il a tenu également à parler de «la souffrance des communautés ecclésiales» sous le coup d'une «suspicion» générale. «Je sais que parfois vous avez essuyé des insultes dans le métro ou en marchant dans la rue, qu'être «habillé en prêtre» dans beaucoup d'endroits «se paie cher»», a-t-il noté, en appelant les hommes et les femmes d'église à «avoir le courage de demander pardon». 

Demander pardon «n'est pas suffisant» 

Au cours de la journée, une cinquantaine de personnes ont été arrêtées lors d'une manifestation contre la visite du pape. Les forces anti-émeute ont dispersé le cortège de plusieurs centaines de personnes à l'aide de canons à eau. «François complice de crimes pédophiles», pouvait-on lire sur une des banderoles déployée à un balcon.

Pour les victimes, demander pardon «n'est pas suffisant». «Nous avons besoin d'actes concrets que le pape ne prend pas au sein de l'Église chilienne», a réagi mardi Juan Carlos Claret, porte-parole de l'association des laïcs d'Osorno, qui lutte notamment pour l'expulsion de l'évêque Juan Barros.

En janvier 2015, le pape François avait pris la décision très controversée de nommer ce prélat à la tête du diocèse d'Osorno, bien qu'il soit soupçonné d'avoir tu les agissements pédophiles d'un vieux prêtre.

L'octogénaire père Fernando Karadima, un ancien formateur charismatique de prêtres, a été reconnu coupable en 2011 par un tribunal du Vatican d'avoir commis des actes pédophiles dans les années 1980 et 1990. Il a été contraint à se retirer pour une vie de pénitence.

En avril 2011, l'Église catholique du Chili avait demandé formellement pardon pour tous les abus sexuels sur des enfants commis par des membres du clergé, et pour son manque de réactivité.

Au palais présidentiel de La Moneda, le pape s'est exprimé devant le gouvernement sur les populations indigènes, thème phare de son voyage au Chili, puis à partir de jeudi au Pérou.

Il faut «écouter» les peuples autochtones, «souvent oubliés et dont les droits ont besoin d'être pris en compte et la culture protégée, pour que ne se perde pas une partie de l'identité et de la richesse de cette nation», a plaidé François.

À Temuco, à plus de 600 km au sud de Santiago du Chili, le pape s'adressera mercredi aux indiens Mapuche (7% de la population chilienne), qui occupaient un vaste territoire à l'arrivée des conquistadors espagnols au Chili en 1541. Cette région, l'Auracania, est aujourd'hui le foyer d'actions violentes d'une minorité radicalisée, qui se bat pour «récupérer» des terres ancestrales.