Manifestations, répression, couvre-feu. Deux semaines après l'élection présidentielle, le Honduras n'a toujours pas de président et s'enfonce dans la crise. La situation du petit pays d'Amérique centrale fait écho aux problèmes du Venezuela et inquiète la communauté internationale. Explications en quatre points.

UN « ÉTAT FAILLI »

La crise politique qui secoue le Honduras est la conséquence directe des effets de la corruption générée par le narcotrafic, mais aussi de la puissance des « maras », ces bandes de jeunes criminels si puissantes qu'elles ont instauré « une forme de gouvernance parallèle », estime Diego Osorio, de la chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'Université du Québec à Montréal et de l'Institut montréalais d'études sur le génocide et les droits humains de l'Université Concordia. « C'est comme si, au Québec, les Hells Angels dirigeaient un système parallèle à tous les niveaux de la société », explique-t-il. Les « maras » et autres organisations illégales, qui ont infiltré le gouvernement, cherchent à maintenir l'État dans une position de faiblesse telle que « leur existence n'est pas menacée », affirme le chercheur, qui considère que le Honduras est un « État failli » comme le Venezuela, gangréné par la corruption, la criminalité et la mauvaise gouvernance.

ANNULATION DE L'ÉLECTION DEMANDÉE

Dans ce contexte, l'élection présidentielle du 26 novembre a été entachée d'irrégularités, selon l'Organisation des États américains (OEA). Le président sortant, Juan Orlando Hernández, et son adversaire, l'ancien présentateur sportif Salvador Nasralla, revendiquent tous deux la victoire. Le Tribunal suprême électoral n'a toujours pas publié de résultats définitifs - il a jusqu'au 26 décembre pour annoncer le vainqueur. Si les premiers résultats donnaient une avance de cinq points au candidat de l'opposition, la tendance s'est ensuite inversée et le dépouillement a été marqué par une série de pannes informatiques que le camp Nasralla a jugées suspectes. Un technicien de l'OEA a d'ailleurs entamé hier un audit du système informatique qui a servi à compter les votes de l'élection. Après avoir demandé un nouveau dépouillement, le candidat de l'opposition réclame maintenant l'annulation pure et simple du scrutin.

PRÔNER LA BONNE GOUVERNANCE

Par deux fois depuis le scrutin du 26 novembre, Ottawa a déploré la situation qui prévaut au Honduras, exhortant notamment, lundi, les autorités locales à « rétablir sans délai les garanties et les droits constitutionnels ». Mais le gouvernement canadien doit faire plus, croit Diego Osorio, qui affirme que l'exportation de la bonne gouvernance est la spécialité du Canada et qu'il y a « un rôle à jouer à ce niveau » au Honduras. Dans un pays où la criminalité est « hors de contrôle », y compris au coeur de l'État, il faut prendre le taureau par les cornes, croit le chercheur. Il donne l'exemple du Guatemala voisin, où une commission spéciale unique au monde mise sur pied il y a une dizaine d'années, la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (CICIG), composée d'experts guatémaltèques et internationaux, donne des résultats probants. « C'est un scandale » que les autorités du Honduras aient pu bloquer la mise en place d'une telle commission, s'exclame-t-il, « on devrait relancer cette idée ».

RÉPRESSION ACCRUE

La tension a monté d'un cran cette semaine, alors que l'armée a entrepris lundi de déloger des manifestants qui bloquaient des routes. Le jour même, Amnistie internationale dénonçait dans un rapport le recours par le gouvernement hondurien à des « méthodes dangereuses et illégales pour bâillonner toute voix dissidente ». L'organisation, dont une délégation a pu se rendre dans le pays, déplore un recours « excessif » à la force, notamment l'utilisation de « balles réelles » pour réprimer la contestation, de même que des « détentions arbitraires ». Elle estime par ailleurs que le couvre-feu imposé par les autorités est « excessif face à des cas limités de violence » et qu'il permet aux forces de l'ordre de se livrer en toute impunité à des violations, non seulement contre les manifestants, mais contre la population en général. Amnistie internationale affirme qu'au moins 14 personnes ont été tuées, alors que les autorités ne rapportent que trois morts, et que des dizaines d'autres personnes ont été blessées.

PHOTO JORGE CABRERA, REUTERS

Des partisans du candidat Salvador Nasralla manifestent à Tegucigalpa.

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Amnistie internationale dénonce dans un rapport le recours par le gouvernement hondurien à des « méthodes dangereuses et illégales pour bâillonner toute voix dissidente ».