La nuit tombée sur Mexico, les recherches se poursuivaient dans la nuit de vendredi à samedi, malgré le seuil critique passé des 72 heures depuis le puissant séisme qui a fait près de 300 morts, l'angoisse et la tension s'accentuant chez les proches de disparus.

«Les familles ont encore de l'espoir, toutes celles qui sont ici dehors, mais nous, les psychologues, commençons à nous préparer pour donner un accompagnement correspondant à une situation de deuil», explique Penelope Exzacarias, une psychologue venue prêter ses services devant une immeuble en ruines du quartier branché de Colonia Roma.

Jusqu'à 70 personnes y travaillaient, selon leurs proches. Seules 28 sont sorties vivantes dans les premières heures.

Selon la mairie, les secouristes ont détecté la présence de personnes encore en vie grâce à une technologie de pointe en au moins trois points du sud de la capitale: l'école où ont péri 19 enfants, un immeuble du secteur de Tlalpan et trois édifices du quartier Del Valle.

Mais vendredi, seuls des corps ont été sortis des décombres à travers la ville.

Trois jours après un séisme, la procédure veut que les recherches cessent et les bulldozers commencent à dégager les gravats, les experts estimant qu'il y a alors peu de chances de retrouver des survivants.

Mais les proches des disparus, qui se comptent par dizaines dans cette mégalopole de 20 millions d'habitants, se souviennent des sauvetages «miracles» accomplis après le grand séisme de 1985.

Au coeur de la capitale mexicaine, sur les ruines d'une usine textile, un des 39 bâtiments ayant cédé à Mexico, les sauveteurs étaient confrontés au dilemme: continuer ou arrêter ?

«Ils n'ont pas d'indices sur la présence d'une personne à l'intérieur, mais ils ne sont pas sûrs au point d'affirmer qu'il n'y a personne. La caméra utilisée ne permet pas de voir tout le panorama», dit à l'AFP, Daniel Quiroz, un bénévole de 22 ans.

Hector Anguiano, un homme de 18 ans équipé d'une masse, explique que l'idée de faire intervenir les bulldozers est catégoriquement rejetée par les habitants du quartier et les passants. Jets de pierre, cris, la tension contre la police a grimpé dans l'après-midi et des policiers antiémeutes ont été déployés.

«Mensonges»

Des experts américains et israéliens, notamment, participent aux recherches.

Devant ce qui fut un immeuble de bureaux de sept étages, de nombreux proches n'ayant pas dormi depuis mardi espéraient retrouver en vie une dizaine de disparus sous les gravats. Certains au bord du désespoir.

«Ils se contentent de venir nous dire toujours la même chose ! Depuis hier, ils ne sortent plus personne...Ils arrêtent à cause de la pluie, du soleil, ce ne sont que des mensonges !», s'insurge Xochitl Gonzalez, une femme au foyer de 39 ans qui recherche son cousin.

À l'école Enrique Rebsamen, où 19 élèves âgés de sept à 13 ans ainsi qu'une demi-douzaine d'adultes sont morts, des proches et des voisins ont déposé des gerbes de fleurs blanches. D'autres se serraient dans les bras, en larmes.

«C'est triste, ça fait mal, là, maintenant. Je ne trouve pas les mots pour exprimer ce que l'on ressent quand on a perdu un être cher», a témoigné Miguel Angel Ortiz, l'oncle de l'une des victimes.

Selon le dernier bilan du responsable national de la protection civile, Luis Felipe Puente, on enregistrait au total 295 morts: 157 à Mexico, 73 dans l'État de Morelos, 45 à Puebla, 13 dans l'État de Mexico, six dans le Guerrero, un à Oaxaca. Quatre Taïwanais, une Panaméenne et un Espagnol en font partie, d'après les autorités de leurs pays respectifs.

Jusqu'à jeudi, 115 personnes avaient été extraites vivantes des décombres et 88 retrouvées mortes, selon la marine mexicaine.

Couple enlacé

Les funérailles s'organisent depuis jeudi comme celles de ces époux, retrouvés enlacés sous les décombres à Mexico.

«Je me souviens d'un couple uni, amoureux», confie Juan Carlos Williams, découvert avec son épouse Agueda Mendoza, et leur chien Quino qui ne les quittait jamais depuis 16 ans.

Le séisme a endommagé plus de 2000 logements, dont la plupart ont été désertés par leurs occupants traumatisés par la secousse, selon la mairie.

Quelque 100 000 enfants ont été touchés par le séisme dans la capitale mexicaine, selon l'ONG Save the children, des centaines dormant dans les rues et des parcs malgré l'ouverture d'une cinquantaine de refuges.

Après une partie de la nuit dans un local de distributeurs automatiques, Erika Abarran et son mari se sont rendus dans une de ces structures improvisées. «Je n'ai même pas pris de couches, de lait, mais ils nous ont tout donné», dit cette femme de 33 ans qui nourrissait son bébé au moment du séisme.

Le tremblement de terre de mardi est survenu 32 ans jour pour jour après celui de 1985 qui a dévasté Mexico, faisant plus de 10 000 morts - jusqu'à 30 000 selon certaines estimations -, et qui reste un traumatisme national.

Cette nouvelle tragédie frappe un pays encore sous le coup d'un tremblement de terre de magnitude 8,2 -le plus puissant en un siècle au Mexique-, qui a fait une centaine de morts le 7 septembre.

Situé à la jonction de cinq plaques tectoniques, le Mexique est l'un des pays du monde où l'activité sismique est la plus forte.