Le président cubain Raùl Castro a convoqué le principal représentant des États-Unis au pays pour discuter des diplomates américains qui auraient été blessés à La Havane: il a été question d'«attaques soniques» futuristes, et la menace subtile de représailles de la part des États-Unis - avec qui Cuba était à couteaux tirés jusqu'à tout récemment - planait sur les discussions.

La réaction de M. Castro a toutefois pris les Américains de court, ont admis à l'Associated Press plusieurs dirigeants américains au fait du dossier.

Lors d'une rare conversation en personne, Raùl Castro a assuré au chef intérimaire de l'ambassade américaine Jeffrey DeLaurentis être tout aussi mystifié que lui. Sans grande surprise, M. Castro a nié toute responsabilité, mais ce n'était pas le déni indigné - «Comment osez-vous nous accuser?» - que les Américains attendaient.

Les Cubains ont même offert de laisser des agents de la police fédérale américaine, le FBI, venir à La Havane enquêter. La collaboration entre les deux pays au chapitre de la loi et de l'ordre est en hausse depuis la détente de 2015, mais cette offre n'en était pas moins exceptionnelle.

«Certains pays ne veulent qu'un strict minimum d'agents du FBI sur leur territoire, et ce chiffre pourrait très bien être zéro», a expliqué Leo Taddeo, un superviseur à la retraite du FBI qui a servi à l'étranger.

Et Cuba en fait normalement partie, a dit M. Taddeo.

On compte aujourd'hui 21 victimes «confirmées médicalement», ainsi que plusieurs Canadiens. Certains Américains souffrent d'une perte permanente de l'ouïe ou de légères blessures au cerveau, des incidents qui ont secoué la communauté diplomatique à La Havane.

Les diplomates cubains et américains se sont harcelés mutuellement pendant des décennies, mais les incidents dont on a commencé à faire effet en novembre étaient d'un tout autre ordre.

Des diplomates et leurs proches devenaient malades. Certains ont décrit des sons bizarres et inexpliqués, comme des grondements ou des sonneries stridents. Les victimes ont aussi décrit être entrées dans de puissants couloirs sonores qui ne frappaient que certaines pièces, en totalité ou en partie, puis d'en être sorties.

Ce n'est toutefois que le 17 février que Washington a déposé une plainte formelle auprès de l'ambassade cubaine et du ministère des Affaires étrangères, à La Havane. C'est à ce moment que M. Castro a rencontré M. DeLaurentis. Les attaques ont cessé pendant un moment, sans raison apparente, puis elles ont repris.

C'est à ce moment que les Canadiens sont entrés en jeu. Entre mars et mai, plusieurs d'entre eux, et leurs proches, ont été pris de symptômes comme des nausées, des maux de tête et des saignements de nez, selon un responsable canadien. Puis, ces attaques ont aussi cessé.

Mais qui pourrait vouloir s'en prendre aux États-Unis et à son voisin du nord? Cuba n'a aucun différend avec le Canada, et les deux pays entretiennent même des liens cordiaux. Peut-être avait-on attaqué les Canadiens pour brouiller les pistes?

Les Canadiens ont examiné certains de leurs diplomates à La Havane et en ont rappelé d'autres au pays, a dit le responsable.

La nervosité ne faisait qu'augmenter parmi les dirigeants cubains. Le FBI s'est rendu à La Havane pour fouiller les pièces où les attaques auraient été perpétrées. La GRC a fait de même. Ni une agence ni l'autre n'a trouvé quoi que ce soit.

Washington a expulsé quelques diplomates cubains, pour la forme, mais les «représailles» américaines ne sont pas allées plus loin.

La plus récente attaque date du 21 août.

«La réalité est que nous ne savons pas ce qui se passe, a admis une porte-parole du département d'État. Et c'est pour ça que l'enquête se poursuit.»