Le gouvernement vénézuélien a accusé samedi le président américain Donald Trump de vouloir mettre en péril la paix et la stabilité en Amérique latine avec sa «menace téméraire» d'une «option militaire», qui a également hérissé d'autres pays de la région.

La mise en garde du président Trump, vendredi, est survenue après des jours de tensions croissantes entre les deux pays, les États-Unis perdant patience après quatre mois de manifestations ayant fait 125 morts et l'élection d'une Assemblée constituante controversée.

«Nous avons de nombreuses options pour le Venezuela, y compris une possible option militaire si nécessaire», a lancé le chef d'État aux journalistes dans son golf de Bedminster, dans le New Jersey (Nord-est), où il est en vacances.

Le gouvernement socialiste vénézuélien a très mal pris cette déclaration, qui rappelle de mauvais souvenirs dans la région où la dernière intervention militaire américaine date de 1989, quand les États-Unis avaient envahi le Panama pour déloger son président, Manuel Noriega.

«La menace téméraire du président Donald Trump vise à entraîner l'Amérique latine et les Caraïbes dans un conflit qui perturberait, de manière permanente, la stabilité, la paix et la sécurité de notre région», a déclaré le ministre vénézuélien des Affaires étrangères Jorge Arreaza, lisant un communiqué au nom du président Nicolas Maduro.

La perspective d'une nouvelle intervention militaire américaine dans la région a généré un malaise chez plusieurs pays latino-américains, même ceux critiquant ouvertement le gouvernement de M. Maduro.

Le Brésil, la Colombie, le Pérou, le Chili et le Mexique ont tous rejeté samedi le recours à la force.

«Complot»

«La crise au Venezuela ne peut être résolue par des actions militaires, venant de l'intérieur ou de l'extérieur», a estimé sur Twitter le ministre mexicain des Affaires étrangères, Luis Videgaray.

«Le rejet de la violence et de toute option impliquant l'usage de la force est ferme et constitue la base fondamentale de la cohabitation démocratique, au niveau domestique comme dans les relations internationales», a rappelé le ministère brésilien des Affaires étrangères dans un communiqué.

Cette nouvelle joute verbale arrive toutefois à point nommé pour le gouvernement vénézuélien, qui trouve là une nouvelle preuve du «complot» ourdi selon lui par l'opposition avec l'aide de Washington pour se saisir de ses immenses réserves pétrolières, les plus importantes de la planète.

Le ministre de la Défense et chef des armées, Vladimir Padrino, a qualifié les paroles de M. Trump d'«acte de folie», avertissant qu'en cas d'agression, «nous serons tous au premier rang pour défendre les intérêts et la souveraineté de notre Venezuela bien-aimé».

«Nous rejetons les menaces lâches, insolentes et infâmes» de M. Trump «contre la souveraineté sacrée du Venezuela», a écrit la présidente de la Constituante, Delcy Rodriguez, sur son compte Twitter.

L'Assemblée constituante, de 545 membres - tous issus du parti au pouvoir -, qui a prévu de siéger deux ans, «agira pour accompagner» le président Maduro «dans la défense» du pays, a-t-elle ajouté.

Ménage

La mise en place de cette assemblée polémique, décriée par l'opposition comme une tentative d'instaurer une «dictature communiste», a augmenté les tensions entre Caracas et Washington, qui n'ont plus d'ambassadeurs respectifs depuis 2010.

Début août, les États-Unis avaient déjà infligé des sanctions directes au président vénézuélien qu'ils ont qualifié de «dictateur», une mesure extrêmement rare.

L'Assemblée constituante, en place depuis une semaine, a commencé à faire le ménage parmi les voix critiques envers le président Maduro, destituant la procureure générale Luisa Ortega, l'une de ses plus farouches adversaires. Elle a décidé samedi d'avancer à octobre les élections régionales prévues en décembre.

La Cour suprême, réputée proche du pouvoir, a elle envoyé en prison deux maires d'opposition.

La crainte d'une radicalisation du gouvernement a poussé d'autres pays d'Amérique latine comme l'Argentine, le Brésil, le Chili, le Mexique et le Pérou à condamner le Venezuela pour «rupture de l'ordre démocratique».

Le Pérou a expulsé vendredi l'ambassadeur du Venezuela, Caracas répliquant en faisant de même avec le chargé d'affaires péruvien.

Mais une partie de la région reste du côté du président Maduro, héritier politique du défunt Hugo Chavez, président de 1999 à 2013 et leader emblématique de la gauche en Amérique latine.

Caracas compte ainsi sur le soutien de Cuba, de la Bolivie, de l'Équateur et du Nicaragua, ainsi que d'autres nations des Caraïbes qui dépendent du pétrole offert ou vendu à bas coût par le Venezuela.

Dans ce contexte tendu, le vice-président américain Mike Pence entame dimanche une tournée en Amérique latine, qui le mènera en Colombie, en Argentine, au Chili et au Panama.