De la jungle colombiennes aux bancs du Parlement: la guérilla des Farc va se convertir en parti politique le 1er septembre, comme prévu par l'historique accord de paix visant à mettre fin à plus d'un demi-siècle de conflit armé.

«L'ouverture démocratique dont a besoin la Colombie est proche. Le lancement de notre parti politique sera le 1er septembre», a tweeté lundi le chef des Farc, Rodrigo Londoño, plus connu sous ses noms de guerre «Timoleon Jimenez» ou «Timochenko».

Cette transformation de la plus ancienne rébellion des Amériques est une étape décisive du retour à la vie civile des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Elle interviendra à quelques jours de la visite du pape François, prévue du 6 au 10 septembre.

Guérilla marxiste issue en mai 1964 d'une insurrection paysanne, les Farc comptent dans leurs rangs des combattants pour la plupart d'origine rurale et la réforme agraire est leur principale revendication.

«Nous avons fait la paix pour participer à la politique», a pour sa part déclaré Ivan Marquez, chef négociateur des Farc, lors d'une conférence de presse à Bogota.

À l'issue de pourparlers de paix menés pendant quatre ans à Cuba, les Farc ont signé en novembre avec le gouvernement du président Juan Manuel Santos un accord de paix historique et leurs quelque 7000 guérilleros ont fini de déposer leurs armes le 27 juin, sous le contrôle des Nations unies.

Mauvaise image

Le commandant Carlos Antonio Lozada, de son vrai nom Julian Gallo, a précisé à l'AFP que le parti serait lancé le 1er septembre lors d'un «grand évènement politico-culturel» à Bogota.

Le nom, la ligne politique et les représentants du futur mouvement devraient être décidés lors d'un congrès des Farc annoncé pour fin août.

«Nous avons été ouverts au dialogue avec l'ensemble des forces et mouvements politiques du pays», a expliqué l'ex-guérillera Erika Montero. La nouvelle formation sera «antipatriarcale» et «anti-impérialiste» et tournée vers les questions de genre, les jeunes, les sujets agricoles, urbains et économiques, a-t-elle ajouté.

Il est question de garder le même sigle «Farc» mais avec une signification différente. Chaque ancien combattant devra par ailleurs décider s'il participe au parti politique sous son nom de guerre ou sa véritable identité.

Les Farc pâtissent d'une mauvaise image en raison de nombreux enlèvements commis, comme celui de l'ex-candidate présidentielle Ingrid Betancourt en 2002 durant six ans, de massacres tel celui de Bojaya (Choco, nord-ouest) qui a fait 79 morts la même année, et d'attentats tel celui du club El Nogal qui a fait 36 morts en 2003 à Bogota.

En mai dernier, 82% des Colombiens avaient une opinion négative des Farc, selon l'institut de sondage Gallup.

«Ouverture» 

«Le parti politique des Farc peut être un pas vers l'ouverture du système politique en Colombie», a expliqué à l'AFP Marc Chernick, professeur des universités de Georgetown (Washington) et Los Andes (Bogota).

Pour ce politologue, la guérilla va lancer un parti de gauche «mais pas nécessairement marxiste». «Le défi pour eux c'est qu'ils ne sont pas les seuls acteurs de la gauche, qui est très fragmentée en Colombie. Ils vont chercher des alliances», a-t-il estimé.

Dans un premier temps, le gouvernement doit octroyer au mouvement un minimum cinq députés et cinq sénateurs, pour deux mandats de quatre ans. Les ex-guérilleros peuvent en remporter davantage, dès les prochaines élections en 2018.

Les candidats devront bénéficier de garanties de sécurité pour éviter la répétition des épisodes sanglants de la fin des années 1980 lorsqu'ont été assassinés quelque 3000 militants de l'Union patriotique (UP), vitrine politique issue d'une précédente tentative de paix.

Le gouvernement de M. Santos mène par ailleurs depuis février à Quito, en Equateur, des pourparlers de paix avec l'Armée de libération nationale (ELN, guévariste), dernier groupe rebelle encore actif en Colombie.

Depuis le début des années 60, le complexe conflit armé colombien a impliqué une trentaine de guérillas, des milices d'extrême droite, officiellement démobilisées depuis 2006, et les forces de l'ordre, faisant au moins 260 000 morts, plus de 60 000 disparus et 7,1 millions de déplacés.