Cuba a adressé lundi une mise au point à Donald Trump en prévenant que l'île ne « négocierait jamais sous la pression » de Washington, qui vient d'annoncer le durcissement de sa politique vis-à-vis de l'île.

« Jamais nous ne négocierons sous la pression ou la menace [...] Cuba ne fera pas de concessions sur sa souveraineté et son indépendance, ne négociera pas sur ses principes et n'acceptera jamais [l'imposition] de conditions » par les États-Unis, a déclaré le ministre cubain des Affaires étrangères Bruno Rodriguez.

« Ce n'est pas une directive présidentielle des États-Unis qui pourra faire plier la politique » de Cuba, a encore averti M. Rodriguez depuis Vienne, en Autriche, dénonçant le « spectacle grotesque » donné le 16 juin par Donald Trump face à de nombreux anti-castristes massés dans un théâtre de Miami, en Floride.

Sous les applaudissements nourris de ce parterre tout acquis, Donald Trump avait martelé sa volonté de recalibrer le rapprochement avec Cuba, lancé fin 2014 par son prédécesseur Barack Obama après plus d'un demi-siècle de tensions.

Le républicain avait aussi dénoncé le régime « brutal » de La Havane et était revenu sur une série d'assouplissements à l'embargo américain concédés par l'administration Obama.

Parmi les nouvelles dispositions annoncées par M. Trump, figurent la limitation des transactions avec les entités contrôlées par l'armée cubaine, omniprésentes dans le secteur du tourisme, et une application plus stricte des restrictions sur les voyages d'Américains vers l'île communiste, en forte hausse depuis 2015.

De nombreux experts et partisans du rapprochement aux États-Unis ainsi que plusieurs dissidents modérés sur l'île estiment que ces mesures risquent de provoquer l'inverse des objectifs déclarés de Trump.

Selon eux, ce durcissement pénalisera un secteur privé cubain fortement dépendant du tourisme - alors que Trump affirme vouloir le soutenir - tout en donnant plus d'arguments aux partisans d'une ligne dure au sein du gouvernement communiste cubain.

« Un recul »

À Vienne lundi, M. Rodriguez a estimé que cette nouvelle politique américaine marquait « un recul dans les relations bilatérales ».

S'il a dit souhaiter « attendre » que ces mesures soient détaillées pour en estimer leur « portée et leur profondeur », le ministre a prévenu qu'elles étaient susceptibles de « restreindre les libertés des citoyens américains » désirant voyager à Cuba.

Et selon lui ces dispositions sont vouées à causer des « dommages économiques » sur l'île et éclabousser tant les entreprises d'État cubaines que les petits entrepreneurs privés autorisés depuis l'arrivée au pouvoir de Raul Castro en 2006.

Plus largement, le ministre a estimé que ce durcissement était susceptible « d'affecter les relations du gouvernement des États-Unis avec l'Amérique latine et les Caraïbes » qui s'étaient sensiblement améliorées avec Barack Obama. Et ce au risque « de porter atteinte à la crédibilité de sa politique extérieure ».

Dans la foulée des déclarations de Trump la semaine dernière, le gouvernement cubain avait regretté « une rhétorique hostile » rappelant « les temps de la confrontation ouverte » de la Guerre froide.

Mais La Havane avait aussi tenu à réitérer « sa volonté de continuer le dialogue respectueux et la coopération » engagées avec Washington depuis le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux ex-ennemis de la guerre froide en 2015.

Les deux pays sont notamment engagés dans des pourparlers sur la lutte contre le trafic de drogue, l'immigration illégale, l'environnement ou la propriété intellectuelle.

M. Rodriguez a confirmé la volonté de La Havane ne poursuivre ces discussions « dans le respect de l'indépendance et de la souveraineté » de chacun.

Enfin, ce dernier a de nouveau appelé au retrait de l'embargo américain imposé à l'île depuis 1962. La communauté internationale soutient largement sa levée, qui dépend du Congrès américain.

« Que ce soit pendant le gouvernement du président Trump ou avec le suivant, il n'y aucun doute [...] qu'un gouvernement des États-Unis lèvera l'embargo », a estimé le ministre, invoquant « le sens de l'Histoire ».