Les autorités colombiennes cherchaient dimanche les responsables de l'attentat à la bombe perpétré la veille dans un centre commercial de Bogota, qui a tué trois femmes, dont une Française, soupçonnant une volonté de nuire au processus de paix.

«Les ennemis de la paix seront poursuivis sans trêve et nous ne ferons pas de quartiers», a déclaré le président colombien Juan Manuel Santos, qui s'est rendu sur les lieux de l'explosion, survenue dans les toilettes pour femmes du centre commercial.

«Il n'existe pas d'indices clairs sur qui peut être le responsable» de l'attentat, a-t-il précisé, annonçant la réunion du «conseil de sécurité pour examiner les étapes complémentaires permettant de garantir la tranquillité à Bogota». Ce conseil a commencé à se réunir à 10h00 (11h00 (HE)), une déclaration étant attendue à son issue.

L'attentat, immédiatement condamné par l'ELN, la dernière guérilla en activité en Colombie, ainsi que par les Farc, s'est produit samedi vers 17h00 (18h00 (HE)) dans le centre Andino, très fréquenté, notamment par les étrangers, en cette veille de la fête des Pères.

Une Française de 23 ans et deux Colombiennes âgées de 27 et 31 ans «sont décédées de leurs blessures», a indiqué dans un communiqué la clinique où les victimes ont été hospitalisées. Parmi les blessés, dont quatre sont dans un état critique, figure une Française de 48 ans, a précisé l'établissement.

«Il y a eu un «boum» très fort et le sol a tremblé. Des gens sortaient couverts de cendres, comme avec de la terre sur le corps», a raconté Milena Carcenas, employée dans une boutique du centre commercial.

«Nous avons vu des personnes en sang pleurer. Il y avait beaucoup de fumée et les services de sécurité nous ont dit d'évacuer les lieux», a témoigné un autre employé, Michael Montoya.

Condamnation de l'ELN et des Farc

«Tristesse et condoléances», a réagi le président français, Emmanuel Macron, dans un tweet adressé aux proches de la victime française.

La section antiterroriste du parquet de Paris a ouvert une enquête après l'attentat pour «assassinats et tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste», selon une source judiciaire à Paris, une procédure classique quand des ressortissants français figurent parmi les victimes.

Le chef de la police colombienne, le général Jorge Nieto, a indiqué de son côté que l'explosion avait été provoquée par «un engin» déposé «derrière un siège des toilettes pour femmes». Une équipe d'enquêteurs est responsable des recherches préliminaires, a-t-il ajouté.

Cet attentat survient alors que les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) doivent terminer mardi de remettre leurs armes à l'ONU, dans le cadre de l'accord de paix signé en novembre.

Sur Twitter, le chef des Farc, Rodrigo Londono, alias «Timochenko», a déploré l'attentat et exprimé sa solidarité avec les victimes.

La guérilla de l'ELN (Armée de libération nationale), a elle aussi condamné cet attentat «exécrable», sur le même réseau social.

L'ELN négocie actuellement avec le gouvernement qui espère ainsi parvenir à une paix complète après plus d'un demi-siècle de conflit armé - le plus ancien d'Amérique latine - qui a fait 260 000 morts et plus de 60 000 disparus.

Atteinte au processus de paix?

Pour l'analyste Victor de Currea-Lugo, il est peu probable que l'attentat ait été commis par les Farc ou l'ELN.

En revanche, «il y a des groupes paramilitaires d'extrême droite qui sont responsables du meurtre de militants sociaux et d'actions contraires à la paix», a expliqué à l'AFP ce professeur de l'Université nationale.

Mais selon lui, le processus de paix «a sa propre dynamique et le soutien d'une partie de la société», il ne devrait donc pas être menacé par ce genre d'attaque.

L'attentat «ne peut venir que de ceux qui veulent fermer les chemins de la paix et de la réconciliation», a estimé pour sa part «Timochenko».

Dimanche matin, le centre commercial a rouvert ses portes, avec des mesures de sécurité renforcées et une affluence de visiteurs nettement moindre que d'habitude, a constaté un journaliste de l'AFP.

La jeune Française tuée était venue en Colombie pour «fournir un service social dans un collège d'un quartier populaire de Bogota durant six mois», a indiqué le maire de Bogota à la presse.

Il s'agit du deuxième attentat cette année à Bogota: le 19 février, une explosion près de l'arène de la capitale avait tué un policier et blessé 23 personnes. Les autorités avaient attribué cette attaque à l'ELN.

Photo Ricardo Mazalan, AP

Une femme quitte les lieux de l'explosion.