Les opposants au président socialiste Nicolas Maduro restaient mobilisés jeudi au Venezuela, encore secoué la veille par des violences lors de manifestations qui ont porté à 32 le nombre de morts depuis début avril.

Avec le soutien de camions blindés antiémeutes, la police et la garde nationale militarisée ont repoussé mercredi les manifestants sur une autoroute de l'est de la capitale Caracas avec du gaz lacrymogène, des canons à eau et des tirs de grenaille, tandis qu'en face, plusieurs groupes de jeunes, parfois cagoulés, répliquaient par des jets de pierres et de cocktails Molotov.

Plusieurs personnes ont été blessées, dont deux députés d'opposition, ont constaté des journalistes de l'AFP.

La vague de manifestations et de violences depuis début avril ont fait 32 morts, selon le dernier bilan du parquet mercredi soir. Un jeune homme de 18 ans est décédé à Caracas dans la journée de mercredi.

Depuis plus d'un mois, ils sont des milliers à défiler quasi quotidiennement pour exiger des élections anticipées et ainsi faire partir le président Maduro avant la fin de son mandat, en décembre 2018.

Les étudiants des universités ont prévu jeudi des assemblées et de nouvelles marches depuis plusieurs centres universitaires. «Chaque université prendra la tête d'une manifestation exigeant démocratie et liberté», a annoncé Daniel Ascanio, de l'université Simon Bolivar à Caracas, lors d'une conférence de presse.

Mercredi, des Vénézuéliens ont protesté en particulier contre le projet du président Maduro de convoquer une assemblée constituante, une manoeuvre, selon l'opposition, destinée à repousser les élections et à s'accrocher au pouvoir.

«Salauds», «assassins», criaient aux forces de l'ordre les manifestants plongés dans un nuage de gaz lacrymogènes.

Un manifestant a été brûlé quand ses vêtements ont pris feu après l'explosion d'une moto de la police lors des affrontements, a constaté un photographe de l'AFP.

Les affrontements ont fait environ 300 blessés, selon les autorités municipales.

«Une fraude»

L'opposition de centre droit, majoritaire au Parlement depuis fin 2015, et le gouvernement socialiste s'accusent mutuellement de ces violences.

«Une constituante, oui, des manifestations violentes, non», a lancé M. Maduro face à ses partisans mercredi, accusant l'opposition de mener une «insurrection armée».

Il s'exprimait après avoir remis au Conseil national électoral le décret convoquant l'assemblée constituante, qui aura pour mission de rédiger une nouvelle Constitution afin de remplacer celle de 1999.

Selon lui, l'élection des 500 membres de cette assemblée, dont la moitié seront élus ou désignés par différents secteurs de la société (syndicats, minorités sexuelles, retraités, etc), se fera «dans les prochaines semaines».

«C'est une fraude de Maduro. Comme il ne peut pas gagner les élections, il veut imposer le modèle électoral cubain pour se maintenir au pouvoir», a estimé un leader de l'opposition, l'ex-candidat à l'élection présidentielle Henrique Capriles.

«Il est temps de dialoguer et de négocier», a plaidé la procureure générale de la Nation, Luisa Ortega, dans une interview au Wall Street Journal jeudi. Seule voix discordante au sein du camp présidentiel, elle critique aussi la décision de M. Maduro de modifier la Constitution. «Cette Constitution est inégalable», «c'est la Constitution de  (Hugo) Chavez», le prédécesseur et mentor de M. Maduro, défend-t-elle.

Si M. Maduro n'a pas encore détaillé les changements qu'il souhaitait introduire dans la Constitution, ses adversaires redoutent le pire.

Calendrier électoral

Toute échéance électorale est en effet risquée pour le chef de l'État: dans ce pays pétrolier dont l'économie s'est effondrée avec la chute des cours du brut, l'inflation est devenue incontrôlable et la majeure partie des aliments et des médicaments font défaut.

En colère, sept Vénézuéliens sur 10 souhaitent le départ immédiat de Nicolas Maduro, élu en 2013 après le décès de Hugo Chavez.

«Nous sommes lassés d'un gouvernement qui en 18 ans a détruit mon pays. Nous voulons être libres, avoir de la nourriture, des médicaments, la sécurité. Avec cette constituante, Maduro cherche à gagner du temps», estime une manifestante, Nancy Trejos, femme au foyer de 62 ans.

L'assemblée constituante pourrait bousculer le calendrier électoral: des municipales sont programmées pour 2017, avant la présidentielle de fin 2018.

«C'est une tactique dilatoire trompeuse pour échapper à la pression du peuple qui demande des élections», estime l'avocat constitutionnaliste Juan Manuel Rafalli.

Pour l'opposition, c'est une manière pour le clan présidentiel de «consolider le coup d'État» fomenté selon elle fin mars, quand la Cour suprême s'était brièvement arrogé les pouvoirs du Parlement avant de renoncer face au tollé diplomatique. Cette décision avait été l'étincelle qui avait déclenché les protestations.

Le Brésil a dénoncé un «coup d'État». L'Espagne, l'Argentine et les États-Unis se sont aussi montrés critiques.

Des sénateurs américains, républicains et démocrates, ont déposé mercredi une proposition de loi codifiant des sanctions contre le Venezuela. Le pape François a offert son aide pour un «dialogue», mais à «des conditions très claires».