Douze mois avant de passer la main à la nouvelle génération comme il s'y est engagé, le président cubain Raul Castro va devoir créer les conditions d'une transition cruciale pour l'avenir du pays, dans un contexte économique et diplomatique plus que délicat.

Redresser l'économie

Depuis qu'il a succédé à son frère Fidel en 2008, Raul Castro a engagé une lente « actualisation » d'une économie au modèle étatique obsolète et autorisé une spectaculaire ouverture au petit entrepreneuriat privé. Mais la lenteur des réformes et la crise subie par son partenaire numéro un, le Venezuela, a plongé Cuba dans la récession (-0,9 %) en 2016.

« Les réformes de Raul Castro n'ont pas tenu leurs promesses [...] Le système de double monnaie n'a pas été éliminé, le secteur agricole n'a pas décollé, la dépendance vis-à-vis du Venezuela n'a pas été réduite et les salaires n'ont pas augmenté », souligne l'économiste cubain Pavel Vidal, de l'université Javeriana en Colombie.

De même l'ouverture du pays à l'investissement étranger en 2014 n'a pas produit les résultats escomptés car « l'approbation des investissements est ultra lente », explique un autre économiste cubain, Carmelo Mesa-Lago, de l'université américaine de Pittsburgh.

« La moyenne [des investissements étrangers] dans l'ensemble du pays est de 418 millions de dollars annuels, bien en deçà des 2 ou 2,5 milliards nécessaires », étaye-t-il, regrettant également le « gel des réformes » constaté depuis le dernier Congrès du Parti communiste cubain (PCC) en avril.

« L'issue ne peut être plus décourageante », déplore M. Vidal, pour qui « la sortie de la récession [...] mobilisera certainement les énergies lors de la dernière année de sa présidence ».

Au cours de cette année de transition, « Raul Castro devrait accélérer la mise en place des changements qui ont été prévus, parce qu'il a le pouvoir historique et la légitimité face au PCC et l'armée, ce dont ne bénéficiera pas son successeur », avance Arturo Lopez-Levy, professeur à l'Université du Texas Rio Grande Valley.

Organiser la transition

À partir du 24 février 2018, le président de 85 ans va se retirer et l'Assemblée nationale désignera un président qui ne sera pas un Castro, situation inconnue pour la grande majorité des 11,2 millions de Cubains.

Si la promotion du numéro deux du régime Miguel Diaz-Canel se confirme, Raul Castro devra exposer davantage cet apparatchik de 56 ans bombardé vice-président en 2013, qui demeure assez discret et assigné à des activités non stratégiques.

« La direction de Miguel Diaz-Canel apparaît structurellement plus faible que ses prédécesseurs. Il ne détient pas de pouvoir personnel sur une catégorie ou dans l'armée », souligne M. Lopez-Levy, observant que ce civil né après la révolution castriste « héritera d'un appareil d'État et d'un parti plus hétérogènes », entre tenants des réformes et garants de la continuité.

Mais « de toute façon, Raul (Castro) continuera de constituer une figure clé en tant que chef des forces armées et premier secrétaire du parti communiste, postes auxquels il ne renoncera probablement pas en 2018 », prédit Jorge Duany, directeur de l'Institut de recherche cubaine à l'Université internationale de Floride.

Et nul doute que d'autres tenants de la nouvelle génération seront chargés d'accompagner M. Diaz-Canel.

Parmi eux, le ministre des Affaires étrangères Bruno Rodrigue, le fils de Raul Castro Alejandro Castro Espin, très influent au ministère de l'Intérieur, ainsi que l'ex-gendre du président, le colonel Luis Alberto Rodriguez Lopez-Callejas, président du tout puissant Groupe d'administration d'entreprises (GAE) des forces armées, auront probablement un rôle à jouer.

La menace Trump

Après le dégel engagé avec le président américain Barack Obama se profile une période plus incertaine pour Cuba face au républicain Donald Trump, qui a annoncé en campagne qu'il exigerait plus de l'île sur les droits de l'Homme, quitte à revenir sur les accords noués par son prédécesseur.

« La vision du président Trump consistant à négocier avec plus de fermeté [...] peut empêcher d'éventuels progrès, mais il est difficile d'imaginer que change l'attitude » du gouvernement cubain, déterminé à « résister et ne céder à aucune pression », explique M. Lopez-Levy.

Satisfaite de la reprise des vols et des croisières entre les deux pays, La Havane a affirmé sa disposition à continuer de travailler au rapprochement.

Mais « si Trump exige beaucoup du gouvernement [cubain], cela pourrait se révéler contre-productif et générer une forte réaction nationaliste, renforcer la ligne dure [du régime] et retarder les réformes », observe Michael Shifter, président du cercle de réflexion Dialogue interaméricain.