En moins d'une semaine, il a déjà arrêté quatre opposants vénézuéliens : le « commando anti-coup d'État », mis en place par le président socialiste Nicolas Maduro, est devenu le bras armé du gouvernement sur fond de tensions croissantes entre les deux camps.

« Vous en assumerez les conséquences », avez prévenu le chef de l'État après le vote de lundi du Parlement, où l'opposition est majoritaire. Les députés venaient de condamner l'action du président pour « manquement aux devoirs » de sa fonction, lui attribuant la responsabilité d'une « crise sans précédent » qui secoue le pays.

La veille de cette procédure, restée symbolique, car invalidée par la Cour suprême vénézuélienne (TSJ) accusée d'être aux ordres du pouvoir, Nicolas Maduro avait créé un commando anti-coup d'État.

Ce groupe de choc, dirigé par le nouveau vice-président Tareck El Aissami, est composé par le n. 2 du chavisme (du nom de l'ex-chef de l'État Hugo Chavez), Diosdado Cabello, le ministre de la Défense, Vladimir Padrino Lopez, celui de l'Intérieur et de la Justice, Néstor Reverol, et le directeur des renseignements vénézuéliens (Sebin), Gustavo Gonzalez Lopez.

Depuis, les arrestations se succèdent.

Mercredi, Gilber Caro, représentant du parti Voluntad Popular, l'aile dure de l'opposition, incarnée par Leopoldo Lopez, une des figures de l'antichavisme emprisonnée depuis bientôt trois ans, a été arrêté.

Deux autres membres de la coalition d'opposition de la MUD (Table pour l'unité démocratique, centre droit), Jorge Luis Gonzalez et Rosmer Rubio, ont également été placés en détention.

Jeudi, la liberté conditionnelle du général Raul Isaias Baduel, un ancien ministre de la Défense du défunt président Hugo Chavez (1999-2013) devenu critique, a été révoquée, a annoncé son fils.

« Le seul outil dont dispose le gouvernement contre le peuple c'est d'utiliser la peur, c'est pour ça qu'il a mis en place un groupe qu'il appelle le commando anti-coup d'État », a déclaré à des journalistes le nouveau président du Parlement Julio Borges (MUD).

En face, le ministre de l'Intérieur et de la Justice M. Reverol assure avoir déjoué un « plan terroriste déstabilisateur », où les quatre détenus seraient impliqués.

« Grande tension »

Selon M. Reverol, Caro, Gonzalez et Rubio se trouvaient en possession d'armes et d'explosifs, tandis que Baduel a tenu des réunions en vue d'organiser une conspiration.

Le ministre a également mis en cause dans ce supposé plan Lilian Tintori, l'épouse de l'opposant Leopoldo Lopez.

Pour l'analyste politique Manuel Malaver, ces arrestations traduisent « une étape de grande tension » entre les pouvoirs exécutif et législatif, depuis la victoire historique de l'opposition aux législatives fin 2015.

« C'était inévitable. Le moment où la coexistence devient impossible est arrivé. L'affrontement devrait se renforcer », a-t-il déclaré à l'AFP.

D'autant que l'opposition a rejeté une reprise du dialogue prévue vendredi avec le gouvernement, après avoir gelé en décembre ces discussions organisées sous les auspices du Vatican et de l'Union des nations sud-américaines (UNASUR).

La MUD exige la libération des opposants et des élections anticipées. La prochaine présidentielle est prévue en décembre 2018.

Elle a en outre appelé à une manifestation le 23 janvier.

« La situation est très dangereuse et je ne vois pas les parties disposées à s'asseoir autour de la table pour trouver un accord », a prévenu Manuel Malaver.

Pourtant, les médiateurs de ce dialogue, le représentant du pape Claudio Maria Celli et le président de l'UNASUR Ernesto Samper, seront présents à Caracas pour « réactiver les efforts » en faveur du dialogue, a annoncé ce dernier sur Twitter.

Mais la désignation de Tareck El Aissami comme vice-président, il y a une semaine, est perçue par l'opposition comme un signal en faveur de la répression. Pour l'analyste Manuel Malaver, ce faucon du mouvement chaviste, qui a déjà été ministre de l'Intérieur de 2008 à 2012, « agit comme une machine à faire peur ».

Cliver Alcala, militaire retraité ancien allié de Chavez et aujourd'hui adversaire de Maduro, compare le commando anti-coup d'État aux Opérations de libération du peuple (OLP).

Ces actions lancées par le gouvernement socialiste en juillet 2015 pour lutter contre la violence ont fait de nombreux morts et entraîné une augmentation des plaintes pour violations des droits de l'homme.

« Le commando, c'est l'OLP de la politique », a-t-il résumé.