Au moins 33 détenus ont été massacrés vendredi à l'arme blanche dans une prison du nord du Brésil, cinq jours après le carnage de la prison de Manaus en Amazonie (56 morts), sur fond de guerre de gangs pour contrôler le marché de la cocaïne.

Comme à Manaus, les victimes ont été décapitées, éviscérées, démembrées, selon des photographies de l'intérieur de la prison obtenues par l'AFP, montrant des dizaines de corps empilés dans un gigantesque bain de sang.

« Trente-trois morts ont été recensés à la PAMC (Pénitencier agricole de Monte Cristo) dans les premières heures de la matinée », a indiqué le gouvernement de l'État de Roraima dans un communiqué.

Il a ajouté que la situation dans l'établissement pénitentiaire était à nouveau « sous contrôle ».

La police est sur place pour faire les premières constatations et le bilan pourrait encore s'alourdir.

Une porte-parole du gouvernement de Roraima a précisé à l'AFP que ce nouveau massacre n'a pas été perpétré dans le cadre d'une mutinerie, mais lors d'une action rapide d'un groupe de détenus qui a duré moins d'une heure.

Selon cette même source, d'après les premières informations recueillies par les autorités, aucune arme à feu n'a été retrouvée à l'intérieur de la prison et les meurtres ont pour la plupart été commis à l'arme blanche.

Zone stratégique

Le 16 octobre, dix détenus avaient été tués dans cette même prison de Roraima, lors d'un affrontement entre factions rivales du crime organisé. Certains avaient aussi été décapités et brûlés vifs. Le lendemain, dans une autre prison du nord du Brésil, dans l'État de Rondonia, huit prisonniers étaient assassinés.

À l'époque, la population de la prison PAMC de Roraima était de 1400 détenus, le double de sa capacité, un problème récurrent du système pénitentiaire brésilien.

Cette prison regroupe des membres du Comando Vermelho (CV), originaire de Rio de Janeiro et allié de la FDN (Familia do Norte), considérée par la police comme responsable du massacre de Manaus dans la nuit de dimanche à lundi.

La plupart des détenus tués à Manaus étaient des membres présumés du puissant PCC (Premier commando de la capitale) de São Paulo, grand rival du CV.

Frontaliers de la Colombie, du Pérou ou de la Bolivie, les États du nord du Brésil constituent un enjeu stratégique pour ces factions qui cherchent à contrôler les approvisionnements en cocaïne.

« Tragédies annoncées »

Jeudi, le gouvernement brésilien a annoncé les grandes lignes de son nouveau Plan national de sécurité, avec notamment la construction de prisons dans chacun des 27 États du pays ainsi que cinq nouveaux établissements fédéraux de haute sécurité.

Avec 622 000 détenus recensés par le ministère de la Justice fin 2014, le Brésil dispose de la quatrième population carcérale au monde, derrière les États-Unis, la Chine et la Russie.

Au niveau national, le taux d'occupation est de 167 % et un rapport du ministère estime qu'il faudrait augmenter de 50 % la capacité pour résorber ce problème.

Selon la sociologue Camila Nunes, professeur de l'Université Fédérale ABC de Sao Paulo ces massacres dans des prisons brésiliennes sont des « tragédies annoncées », en raison des « tensions entre groupes de détenus et la précarité des installations ».

« Toute proposition d'effet immédiat, comme la construction de nouvelles prisons, ne résout pas les vrais problèmes. Cela sert tout juste à satisfaire l'opinion publique en attendant le prochain drame. Il faut miser sur la prévention avant la répression », expliquait cette spécialiste des factions criminelles à l'AFP la veille de ce nouveau massacre.

Lors de l'annonce du nouveau Plan de Sécurité, le ministre de la Justice, Alexandre de Moraes, avouait déjà la nécessité de « moderniser et rationaliser » tout le système, qui « emprisonne beaucoup et mal ».

Le président Michel Temer a essuyé de nombreuses critiques en qualifiant jeudi le massacre de Manaus d'« accident effroyable », après un long silence de quatre jours sur le sujet.