Les cendres de Fidel Castro bouclent samedi leur traversée de Cuba dans la ville-berceau de sa révolution, Santiago, lors d'une journée marquée par une grande cérémonie d'hommage avant des funérailles prévues dimanche.

Après trois jours de voyage, le convoi transportant les cendres contenues dans un coffre de cèdre enveloppé d'un drapeau cubain est arrivé à la mi-journée dans la deuxième ville du pays, au pied des montagnes de la Sierra Maestra.

La caravane doit parader pendant plusieurs heures dans les principales artères de la ville, le long desquelles se sont massés des dizaines de milliers de Cubains venus scander «Je suis Fidel! Je suis Fidel!», malgré une forte chaleur.

«Le peuple de Santiago a beaucoup souffert de la mort du camarade Fidel. Cette ville est le berceau, c'est ici que tout a commencé», relève, ému, Victor Rivera Coca, cuisinier de 52 ans qui a tenu à être présent avec sa femme et son fils de 3 ans.

Dans la soirée, Raul Castro, qui a succédé à son frère en 2006, doit prononcer un discours très attendu devant des centaines de milliers d'habitants de cette ville portuaire.

Une poignée de dirigeants étrangers, principalement latinos et africains, doivent assister à ces hommages. La ministre française de l'Ecologie Ségolène Royal et la légende du football argentin Diego Maradona, proche de Fidel Castro, seront également présents.

Dimanche, les restes de l'ex-président décédé il y a une semaine à 90 ans seront enterrés au cimetière de Santa Ifigenia de Santiago, à côté du mausolée de José Marti, le héros de l'indépendance de Cuba. Depuis plusieurs jours la nécropole est fermée aux visiteurs et des ouvriers s'y affairaient jusqu'à vendredi soir, a-t-on constaté.

«C'était son idée»

Ces funérailles présentées comme «privées» par les autorités se tiendront à l'abri des caméras des médias étrangers. Elles scelleront la fin du deuil national de neuf jours décrété après le décès de Fidel Castro, dont l'annonce, inattendue, a eu l'effet d'un choc pour de nombreux Cubains.

«Nous saurons nous occuper de lui et monter la garde comme il se doit», assure fièrement Margarita Aguilera, 54 ans, dirigeante d'une antenne municipale de distribution de tabac.

Sur la place Manuel de Cespedes, au centre de Santiago, un écran géant diffusait reportages et documentaires à la gloire de Fidel, devant une foule munie de portraits du «Comandante», de drapeaux et de brassards rouge et noir estampillés «26/07», en référence au mouvement lancé par Fidel après l'attaque ratée de la caserne de la Moncada à Santiago en 1953, considérée comme l'acte fondateur de la révolution cubaine. Les cendres de Fidel doivent faire étape devant la forteresse samedi.

Trois ans plus tard, le 30 novembre 1956, le héros local Frank Pais y dirigeait un soulèvement armé destiné à appuyer le débarquement du yacht Granma, à bord duquel se trouvaient les frères Castro et l'Argentin Ernesto «Che» Guevara, qui avaient appareillé du Mexique.

L'insurrection a échoué, et les passagers du Granma ont fui dans les montagnes voisines de la Sierra maestra d'où ils lanceront une guérilla de 25 mois. Trois ans plus tard, c'est à Santiago que Fidel Castro annoncera en public, le 1er janvier 1959, la victoire de sa révolution.

«Confiance en Raul»

Cette semaine de cérémonies posthumes avait débuté par deux jours d'hommages à La Havane, avant que la remorque portant les cendres protégées sous une boîte de verre refasse, en sens inverse, le trajet triomphal effectué par Fidel Castro début 1959.

À La Havane, Matanzas, Cardenas, Cienfuegos, Santa Clara, Camagüey, Las Tunas, Holguin puis Bayamo, des centaines de milliers d'inconditionnels de Fidel se sont massés au bord des routes pour saluer une dernière fois le père de la révolution cubaine.

Partout dans le pays, les Cubains ont aussi été incités à parapher des registres pour «jurer» de défendre l'héritage socialiste de celui qui a façonné le destin du pays et défié la superpuissance américaine pendant un demi-siècle.

Tous les «Fidélistes» interrogés par l'AFP assurent faire confiance à Raul, qui se retirera en 2018, et à ses successeurs pour perpétuer la révolution.

«Pourquoi je n'aurais pas confiance en Raul? C'est aussi mon chef! Après lui peuvent venir (le numéro deux du régime et dauphin présumé Miguel) Diaz Canel ou d'autres du Conseil d'État. Je n'ai aucune crainte, ils poursuivront la trajectoire», assurait notamment Nina Rosales Garces, ancienne combattante de la Sierra âgée de 77 ans.

De leur côté, la plupart des dissidents ont indiqué qu'ils se feraient discrets pendant ces hommages, notamment par crainte de représailles. Mais ils prévoient de reprendre ensuite leur lutte contre le régime castriste, régulièrement critiqué en occident pour son piètre bilan en matière de droits civiques et de droits de l'Homme.