Un hommage a été rendu en Colombie mercredi au club brésilien de Chapecoense, après l'écrasement aérien qui a fait 71 morts, dont la plupart de ces footballeurs en route pour leur première finale continentale, alors que l'enquête s'oriente elle vers une panne de carburant.

«Les causes s'orientent, possiblement, vers un problème de carburant (...) C'est une hypothèse qui se renforce, mais qui doit être analysée par les enquêteurs, comme les informations de la boîte noire ou les enregistrements de la tour de contrôle», a déclaré à des journalistes Alfredo Bocanegra, directeur de l'Aviation civile colombienne, en précisant qu'aucune réponse définitive n'était attendue avant six mois.

«L'appareil n'avait plus de carburant quand au moment de l'impact», a assuré en conférence de presse le secrétaire de la sécurité aérienne de l'Aviation civile, Freddy Bonilla, qui a insisté sur le fait que l'avion n'avait pas respecté l'obligation internationale d'avoir en soutes une quantité de carburant supérieure à celle nécessaire, afin de pouvoir notamment changer d'aéroport en cas d'urgence.

Cette éventualité semblait corroborée par un message du pilote à la tour de contrôle: «Mademoiselle, Lamia 2933 est en panne totale, panne électrique totale, sans carburant!», aurait lancé Miguel Quiroga, peu avant 22 h lundi, à quelques minutes de l'écrasement.

L'enregistrement de ce message, diffusé mercredi par plusieurs grands médias colombiens, n'a pas été confirmé par les autorités, qui ont même parlé «d'inexactitude chronologique», et l'AFP n'a pu le vérifier de manière indépendante.

Une source militaire avait estimé mardi auprès de l'AFP qu'il était «très suspect que malgré la chute de l'appareil, celui-ci n'ait pas explosé. Cela renforce la théorie du manque de carburant à bord de l'appareil».

L'accident est survenu lorsque l'appareil, un British Aerospace 146 de la compagnie bolivienne Lamia avec à son bord 77 personnes, a percuté une montagne, quelques minutes avant son atterrissage sur l'aéroport de Rio Negro, qui dessert Medellín (nord-ouest).

42 corps identifiés

Les deux boîtes noires de l'appareil ont été retrouvées en «parfait état», selon l'Aviation civile. «Elles devraient tout nous dire», a déclaré le ministre colombien des Transports, Jorge Eduardo Rojas.

Les enquêteurs de l'Aviation civile, chargés des investigations avec l'aide d'experts brésiliens et britanniques, s'appuieront sur les preuves techniques, les documents et les constatations faites sur les lieux du sinistre, où la carlingue, en grande partie désintégrée, était encore visible mercredi.

L'accident est survenu dans des conditions météorologiques mauvaises, dans une zone d'accès très difficile, à 3300 m d'altitude, et battue par de fortes pluies.

Le chef de la diplomatie brésilienne, José Serra, est arrivé à Rionegro pour s'informer de la situation des rescapés et du transfert des dépouilles, dont 59 ont été identifiées: 52 Brésiliens, cinq Boliviens, un Vénézuelien et un Paraguayen. Ce travail d'identification devrait être terminé jeudi.

Un des joueurs survivants, le gardien Jackson Follmann, amputé de la jambe droite, se trouvait mercredi dans un état «encourageant», a annoncé l'Hôpital San Vicente où il est soigné.

Partie du Brésil, l'équipe de Chapecoense, qui vivait un véritable conte de fées sportif avec cette première finale de la Copa Sudamericana en ligne de mire, avait dû faire escale à Santa Cruz, en Bolivie, pour des raisons de législation, avant de reprendre un vol pour la Colombie.

Coeurs serrés au stade Medellín

Le modeste club de cette ville du sud du Brésil de quelque 200 000 habitants devait jouer la finale aller de la Copa Sudamericana, l'équivalent de l'Europa League, face au mythique Atletico Nacional de Colombie.

«Je n'ai plus aucun espoir», a dit à l'AFP un partisan, Nelsiro Miranda, à Chapeco, plongée dans le deuil et le silence. «On n'entend plus de musique, on n'entend plus rien», a ajouté Aline Fonseca, 21 ans, aux abords du stade, alors que le Brésil est en deuil pour trois jours depuis mardi.

À Medellín, quelque 30 000 personnes ont rendu hommage aux victimes, parmi lesquelles une vingtaine de journalistes sportifs. L'Atletico Nacional avait invité ses admirateurs à venir au stade à l'heure prévue du match, en fin de journée, vêtus de blanc et avec des bougies. «Notre coeur est serré (...) ce que nous disons ici ne remplira pas le vide que laisse ces hommes», a déclaré l'entraîneur du Nacional, Reinaldo Rueda.

Le club a demandé à la Conmebol, la confédération sud-américaine, que la Copa Sudamericana soit attribuée d'office à Chapecoense. Au Brésil, plusieurs grands clubs, dont Palmeiras, Fluminense et Botafogo, ont annoncé qu'ils prêteraient gratuitement certains de leurs joueurs au Chapecoense pour la saison 2017.

Photo Nelson Almeida, AFP

Les admirateurs de Chapecoense ont rendu un hommage senti à leur équipe mercredi soir.

L'hypothèse d'une panne de carburant étayée par les éléments techniques

(Djallal Malti, Paris) - L'hypothèse d'une panne de carburant à l'origine du crash aérien qui a fait 71 morts en Colombie est étayée par les éléments techniques liés à l'appareil et son plan de vol, selon Xavier Tytelman, consultant en sécurité aérienne et membre d'une communauté de professionnels de l'aérien, «AvGeek».

Q: L'enquête s'oriente vers l'hypothèse d'une panne de carburant. Est-ce plausible?

R: Il existe des sites en source ouverte qui permettent de connaitre la trajectoire de l'avion, comme FlightRadar24. Donc nous connaissons la durée de vol en distance et en temps. De plus, on sait d'après les données météo que l'avion avait un vent de face, il volait avec des facteurs défavorables.

Nous avons comparé cela avec les performances de l'avion, en se basant sur le nombre de passagers et leurs bagages, soit environ 8 tonnes, et dans tous les cas de figure, l'avion était à court de carburant. Donc dès le soir de l'accident, nous nous sommes orientés vers l'hypothèse que l'avion était tombé en panne de carburant.

De plus, l'avion génère de l'énergie électrique à partir de ses moteurs 1 et 4. Donc on peut imaginer que les problèmes électriques annoncés par les pilotes proviennent des moteurs s'éteignant un à un, à court d'essence...

Q: Comment un avion peut-il prendre les airs sans le carburant nécessaire?

R: Dans la pratique, il ne peut pas, c'est pour cela que son plan de vol a été validé, il aurait dû faire un stop carburant sur son trajet, mais il ne s'est pas posé. Et une fois arrivé à Medellin, il n'était pas seul, d'autres avions étaient en attente pour un atterrissage rapide. Les échanges avec la tour de contrôle diffusés hier sont glaçants, il y a trois avions qui demandent la priorité. La tour de contrôle n'a peut-être pas compris lequel était le plus urgent. Quand on a demandé à l'Avro (l'appareil en cause, ndlr) de se mettre en circuit d'attente, cela lui a été fatal.

En Europe, la règlementation impose que l'on ait de quoi faire le trajet plus au minimum 1 heure à 1h30 en plus, et même jusqu'à 3 heures en fonction des aéroports et des conditions météo.

Q: L'avion ne prévient-il pas le pilote qu'il n'a pas assez de carburant pour le trajet envisagé?

R: Je ne connais pas cet avion, mais un Airbus ou un Boeing émet des alarmes, prévient que sa consommation est supérieure au trajet prévu. L'avion indique aux pilotes grâce à ses calculateurs que de l'endroit où il se trouve, il n'a pas assez de carburant par rapport à la trajectoire.

L'Avro est un appareil de troisième génération en termes de sécurité aérienne, un Airbus est un avion de quatrième génération avec des protections supérieures.

En regardant l'historique sur ce type d'avion, nous savons qu'il y a eu des problèmes d'indication de carburant en 2009 en Finlande. Était-ce le cas avant-hier? L'analyse des boîtes noires sera rapide puisqu'elles sont intactes, et on obtiendra ce type de confirmation rapidement.