Héros visionnaire ou tyran sanguinaire ? L'héritage de Fidel Castro divise la planète, et le Québec ne fait pas exception : ici aussi, on a accueilli les uns avec tristesse, les autres avec joie la mort du père de la révolution cubaine.

L'Histoire décidera de la place qu'elle laisse au Comandante, mais certains Québécois qui entretiennent des liens étroits avec Cuba ont déjà fait leur lit.

« Ce n'est pas un sentiment de joie extrême. Je dirais plutôt un sentiment de soulagement », dit Victor Mozo, exilé cubain installé au Québec depuis 1983.

Pour l'homme qui a quitté son île natale en raison de la chape de plomb que le régime communiste y faisait peser, « un chapitre de l'histoire » se conclut, un chapitre de « mauvais souvenirs », d'exécutions sommaires et de détentions pour motifs politiques.

Tous n'ont pas le droit de donner leur avis sur cette disparition, déplore-t-il encore. « Évidemment, il n'y a pas d'explosions de joie à Cuba, ça, c'est hors de question. Connaissant le système comme tel, il doit y avoir une surveillance accrue, pour éviter que quelqu'un ne puisse se prononcer ou ne serait-ce que crier qu'enfin il est libre », a ajouté M. Mozo.

Une autre vision

Michael Walsh rejette cette vision des choses. Le président de l'Association québécoise des amis de Cuba, groupe favorable au régime castriste, est en deuil. Et il assure que le peuple cubain l'est aussi.

« Je vis six mois [par année] à Cuba depuis 10 ans. Les Cubains aiment Fidel Castro et la plupart des peuples du monde entier l'aiment. »

La mort de l'ex-président « est une grosse perte, évidemment », a-t-il souligné en entrevue téléphonique. « Mais compte tenu de son âge et de son état de santé, on pouvait s'y attendre un peu. Mais tant que ça n'était pas arrivé, on ne voulait pas y croire. On se disait que Fidel était immortel. »

« Quand on perd quelqu'un qui a un poids moral et humanitaire, on s'accroche à cette partie-là. Il est mort physiquement, mais il reste ses idées, ses écrits et son exemple. Ça va continuer. C'est ce qu'on espère de tout coeur », a-t-il continué.

Au contraire, M. Mozo croise les doigts pour que le séisme historique survenu vendredi soir ébranle les colonnes du temple.

« Ça peut donner lieu à certains changements, mais à long terme, parce qu'on n'aura plus sa figure, qui restait omniprésente. Il était toujours là pour tirer les ficelles, même si son frère était au pouvoir », a-t-il affirmé. Mais comme « ça fait trois générations qui ont vu passer Castro », les changements ne seront pas rapides.

Michael Walsh, lui, demeure sceptique face aux volontés de changement, y compris le récent rapprochement entre La Havane et Washington.

« Quand on voit que ce que Cuba fait, depuis la révolution - avec les très faibles moyens qu'il a -, c'est envoyer des médecins partout dans le monde [...] et que les États-Unis envoient des bombes », a-t-il dit. « Alors, qu'est-ce qu'on veut comme avenir pour Cuba ? Surtout pas un recul en arrière pour se faire "démocratiser". On sait ce que ça veut dire pour les États-Unis, aller "démocratiser" ailleurs. »

Photo fournie par Michael Walsh

Le président de l'Association québécoise des amis de Cuba, Michael Walsh.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Victor Mozo