La tension ne cesse de croître au Venezuela entre partisans et opposants du président socialiste Nicolás Maduro, faisant craindre une nouvelle flambée de violence.

La détérioration de la situation politique n'augure rien de bon pour la population du pays, qui peine à composer avec d'importantes pénuries alimentaires précipitées, notamment, par la chute des revenus pétroliers.

Jeanne Liendo, chercheuse d'origine vénézuélienne rattachée à l'Université de Calgary, a eu une illustration concrète de ces difficultés, il y a un mois : sa mère a été la cible d'un voleur.

La vieille dame, qui vit en périphérie de Caracas, a été ligotée par l'individu, qui a rempli une valise pour emporter toute la nourriture qu'il a pu trouver dans la résidence.

« Il a répété à plusieurs reprises qu'il n'était pas un criminel, mais qu'il avait faim. Il a pris la voiture de ma mère en partant en promettant de la rendre. Elle l'a retrouvée quelques jours plus tard près de chez elle », dit la chercheuse qui suit de près la situation du Venezuela dans le cadre de ses travaux.

La crise, dit-elle, est particulièrement marquée dans les régions rurales, où nombre de personnes sont incapables de trouver les produits de base subventionnés dont elles ont besoin.

Selon Human Rights Watch, il est de plus en plus difficile pour les Vénézuéliens, particulièrement les familles pauvres dépendantes de l'aide étatique, d'obtenir une « alimentation adéquate ».

La pénurie de médicaments et de produits de base comme des gants stérilisés, des scalpels, des aiguilles, voire de l'eau de Javel, affecte les établissements de santé et explique une montée notable du taux de mortalité infantile, relève dans un récent rapport l'organisation de défense des droits de l'homme.

Ses auteurs estiment que le gouvernement n'a pas pris de mesures appropriées pour corriger la « crise humanitaire » en cours, préférant se dire victime d'une « guerre économique » orchestrée par l'opposition et ses soutiens extérieurs, dont les États-Unis.

DIVISION POLITIQUE

Le différend sur les causes de la crise économique, marquée par une inflation qui pourrait atteindre plus de 1660 % en 2017 selon le Fonds monétaire international, n'est que l'une des expressions de la division politique existante.

Les opposants à Nicolás Maduro, élu à la tête du pays en 2013 après la mort d'Hugo Chávez, sont particulièrement indignés de la décision du Conseil national électoral (CNE) de bloquer le processus engagé pour destituer le chef d'État.

Les partis réunis au sein de la coalition de la Table de l'unité démocratique (MUD) s'apprêtaient à lancer la dernière phase de collecte de signatures pour forcer un référendum à ce sujet lorsque la décision est tombée il y a quelques jours.

Hugo Loiseau, spécialiste de l'Amérique latine rattaché à l'Université de Sherbrooke, estime que le CNE, proche du régime, n'a cessé « de placer des obstacles de plus en plus élevés » pour bloquer le processus.

En faisant en sorte qu'un tel référendum ne puisse avoir lieu avant la mi-mandat, le camp chaviste s'assure de conserver la présidence jusqu'en 2019 puisque le vice-président serait chargé de remplacer Nicolás Maduro en cas de destitution.

L'opposition, qui contrôle l'Assemblée nationale, a accusé il y a quelques jours le régime de perpétrer « un coup d'État » avec l'aide du CNE et a décidé de lancer une procédure essentiellement symbolique contre lui pour « manquement au devoir de sa charge ».

Elle a organisé hier une journée de grève générale, peu suivie selon l'Agence France-Presse, et appelle ses partisans à marcher jeudi prochain vers le palais présidentiel, suscitant l'ire des partisans de Nicolás Maduro, qui leur renvoient l'accusation de tentative de coup d'État.

Mme Liendo note que l'appel à manifester risque fort de déboucher sur des affrontements violents dans lesquels l'armée sera appelée à jouer un rôle de premier plan.

« On s'en va vers une escalade de la violence à moins que le gouvernement veuille éviter d'en payer le prix pour son image au niveau international », note l'universitaire.

M. Loiseau relève qu'il y a peu de risque que l'armée se retourne contre le régime, notamment parce que les éléments antichavistes ont été purgés de sa direction après le putsch avorté contre Hugo Chávez en 2002.

Il croit par ailleurs à un risque important d'explosion sociale. « Quand le système constitutionnel bloque dans un pays clivé comme le Venezuela, le recours à la violence n'est pas très loin », relève l'analyste, qui ne voit pas bien, pour l'heure, comment pourrait s'articuler une sortie négociée de la crise.