L'opposition vénézuélienne a réussi à mobiliser mercredi des centaines de milliers de personnes contre Nicolas Maduro et a appelé à une grève générale vendredi pour faire monter la pression afin d'exiger le départ du président socialiste.

Dans ce pays pétrolier en plein naufrage économique sous l'effet de la chute des cours du brut, la tension est à son comble alors que les deux camps s'accusent mutuellement de «coup d'État».

Au cours des rassemblements de mercredi, plus de 20 personnes ont été blessées, dont quatre par balles, a déclaré Alfredo Romero, le directeur de Foro Penal, une ONG de défense des droits de l'Homme qui a comptabilisé 80 arrestations à travers le pays.

«Nous appelons à une grève générale vendredi prochain, tout le monde reste chez soi», a déclaré Jesus Torrealba, secrétaire général de la coalition de la Table pour l'unité démocratique (MUD, centre), devant une foule immense à Caracas.

Acculant un peu plus le chef de l'État, les antichavistes, du nom du défunt président Hugo Chavez (1999-2013), ont convoqué une «marche pacifique» le 3 novembre vers le palais présidentiel de Miraflores.

L'objectif de cette nouvelle manifestation sera de signifier à M. Maduro le résultat du vote du Parlement, prévu juste avant, sur la procédure pour manquements au devoir de sa charge - lorsque le chef de l'État ne remplit plus ses fonctions. La MUD étant majoritaire au Parlement, le résultat de ce vote fait peu de doute.

«Nous n'allons pas nous rendre. Le référendum révocatoire, c'est maintenant», affirmait à Caracas l'une des banderoles des manifestants, la plupart vêtus de blanc et portant des casquettes aux couleurs du drapeau rouge, bleu et jaune du Venezuela.

La manifestation «est une mesure de pression pour que (Nicolas Maduro) comprenne qu'il doit partir», confiait à l'AFP Klenia Campos, ingénieure en informatique de 41 ans venue défiler dans la capitale.

Baptisée «La prise du Venezuela», cette mobilisation a réuni des centaines de milliers de personnes, obligeant de nombreux commerces et sept stations de métro à fermer.

La manifestation a été organisée par l'opposition en réponse à la suspension par le Conseil national électoral (CNE) d'un processus de référendum révocatoire en vue du départ du président, qui aurait justement dû entrer mercredi dans sa dernière ligne droite avec un ultime recueil de signatures.

Selon le CNE, deux de ses bureaux régionaux ont été «assiégés» depuis lundi et ont été endommagés.

«Point critique»

Les antichavistes exigent le départ de Nicolas Maduro, élu en 2013 et dont le mandat expire en 2019, le jugeant notamment responsable de la crise économique.

«En ce moment, c'est la MUD qui a le capital politique, mais le gouvernement a le pouvoir. Pour que l'opposition accède aux autres pouvoirs (en plus du Parlement), il doit y avoir des élections», a affirmé à l'AFP l'analyste Juan Manuel Raffali.

Avec le gel du référendum, le «conflit politique a atteint un point critique», ajoute-t-il.

La MUD avait déjà accentué la pression mardi en faisant voter par le Parlement l'ouverture d'un procès en destitution contre le président, qu'elle accuse de «coup d'État».

L'Assemblée, que le président ne reconnaît plus et que le Tribunal suprême de justice (TSJ) a déclarée en infraction, car elle compte dans ses rangs trois députés soupçonnés de fraude, a aussi convoqué le chef de l'État mardi prochain afin qu'il «se soumette au vote du peuple».

Toutefois, la portée de ce vote n'est pas claire, le TSJ ayant bloqué tous les projets de loi du Parlement depuis qu'il a basculé dans l'opposition en janvier, mettant fin à 17 ans d'hégémonie chaviste.

Et si le procès en destitution n'existe pas en tant que tel dans la Constitution vénézuélienne, la procédure pour manquements au devoir de sa charge y figure bien, soulignent les juristes.

En réponse à cette initiative, qu'il qualifie de «coup d'État», M. Maduro a réuni un conseil national de défense, regroupant des représentants des différents pouvoirs (législatif, judiciaire, armée) et appelé à se pencher sur les menaces contre la nation, selon la Constitution.

Le président du Parlement Henry Ramos Allup, seul représentant de l'opposition, a refusé d'y assister.