Sur le terrain de soccer de Jérémie, le drone attire davantage l'attention des enfants que l'hélicoptère qui vient de décoller avec du personnel médical : le petit engin permet d'établir avec une grande précision l'étendue des dégâts causés par l'ouragan Matthew il y a trois semaines.

« Avant on pouvait utiliser les images par satellite, mais on n'avait pas une parfaite résolution : avec les drones, on a absolument tous les détails sur les zones survolées », explique Presler Jean, qui pilote l'appareil à distance.

Les Haïtiens de l'organisation Potentiel 3.0 ont pleinement embrassé cette nouvelle technologie qui permet d'établir des images des zones survolées en trois dimensions, avec une précision à 4 cm : un immense recueil d'informations par rapport aux photographies satellitaires précises à 50 cm près.

Maison totalement détruite, façade d'un bâtiment endommagé ou toit sur lequel il manque deux ou trois tôles, etc. Rien n'échappe à ces drones professionnels dont l'utilité dans les zones ravagées par l'ouragan Matthew n'a pas tardé à être prouvée.

« Le port de Jérémie avait été endommagé : avec les images obtenues par les drones, le calcul du volume à remblayer a pu être réalisé rapidement et sans difficultés », témoigne Fred Moine, directeur bénévole de l'organisation.

« Quelques heures plus tard, les engins lourds ont pu savoir quelle quantité exacte de sable il fallait apporter et où le déposer », raconte-t-il.

Grâce à cette précision, 72 heures à peine après le passage de Matthew, le premier bateau d'aide humanitaire a pu arriver dans le port de cette ville du sud dévastée.

Capacités haïtiennes

Plus rapides et bien moins coûteux que des survols en hélicoptères, les drones sont pilotés au sol par des Haïtiens comme Presler, formé depuis 2012 à cette nouvelle technologie.

À 30 ans, il veut aider ses compatriotes sinistrés et ne veut surtout pas revoir dans son pays le gaspillage d'argent qui a suivi le séisme de 2010 à cause d'une mauvaise gestion de l'assistance internationale.

« Avant que les étrangers n'arrivent ici, nous-mêmes, les Haïtiens, nous avons eu le temps de produire des images qui peuvent être utilisées. Cela va permettre aux choses d'aller un peu plus vite », assure Presler Jean.

« Et plutôt que des sommes trop importantes ne soient gaspillées dans des évaluations, des projets d'études, elles pourront être utilisées dans des constructions durables », espère-t-il.

Avec ses quatre drones, l'organisation Potentiel 3.0 peut établir une cartographie précise des zones où l'aide humanitaire d'urgence est nécessaire.

Survoler les régions montagneuses encore difficiles d'accès par voie terrestre permettrait par exemple de localiser les communautés rurales dont les besoins ne sont pas encore clairement connus en raison de leur isolement.

Au-delà de la gestion de l'aide humanitaire post-Matthew, cette technologie commence à s'implanter à long terme dans le pays le plus pauvre de l'hémisphère occidental.

« Beaucoup d'Haïtiens sont compétents, il ne faut plus attendre la communauté internationale. On met nos compétences en commun pour donner une réponse rapide à notre pays », commente Presler avec fierté.

L'idée de l'organisation à laquelle il appartient est de former suffisamment d'habitants pour qu'il y ait deux à trois pilotes de drones par département.

« Comme ça, Haïti enfin pourra répondre avec ses propres capacités face aux désastres », conclut le jeune homme avant de se tourner vers l'ordinateur portable posé à l'arrière d'une voiture, d'où il peut tout simplement diriger le drone qui va survoler la ville et ses environs.