« Toute la ville est endommagée, les toits des écoles qui servaient d'abris d'urgence ont été arrachés, la route principale est bloquée à plusieurs endroits. Même dans la ville, c'est difficile de circuler. Des pylônes, des arbres, des toitures bloquent les routes. »

La docteure Fonie Pierre était au coeur de la tempête, hier, en Haïti. Si bien qu'elle et ses collègues ont été forcés de passer la nuit au centre d'opération d'urgence situé dans la ville des Cayes, l'une des plus durement touchées par Matthew.

« On a eu une réunion d'urgence hier soir [lundi] et on a passé la nuit là, au bureau », a expliqué la médecin, qui coordonne un projet canadien de quatre ans financé par la Fondation Paul Gérin-Lajoie et Affaires mondiales Canada pour réduire la mortalité maternelle et infantile dans le sud du pays et les communes de Grand'Anse. « Pour notre projet santé, nous n'avons pas d'activité parce que c'est impossible de sortir. [...] C'est difficile d'avoir des informations sur les besoins des gens et pour apporter de l'aide parce que les accès sont très difficiles. On sait qu'il y a eu au moins deux morts, dont un père qui s'est noyé en voulant sauver sa fille. »

PLUIES ABONDANTES

Réalisée par téléphone, hier soir, notre entrevue avec la Dre Pierre était interrompue par les puissants grondements du tonnerre, malgré le fait que la tempête commençait à être moins violente.

« Maintenant, je vois un peu le ciel qui est encore très gris, décrivait-elle au bout du fil depuis son bureau. Les arbres ont perdu toutes leurs feuilles, certains sont couchés. Ça semble se calmer, mais il y a énormément de pluie et il y a plusieurs zones inondables. Ici, il y a déjà 15 cm d'eau dans la rue et elle montera encore. On prévoit deux, trois jours de pluie. À certains endroits, il y a déjà 50 cm d'eau d'accumulés. »

Au total, 9280 personnes ont été évacuées dans les écoles, églises et autres centres communautaires.

« Ce qu'on craint, ce sont les épidémies de choléra dans les abris provisoires parce que les conditions d'hygiène sont précaires. » - La Dre Fonie Pierre

Cinq cas de choléra lui avaient été rapportés.

Les communautés dans lesquelles les gens boivent l'eau des rivières sont aussi très à risque, a-t-elle ajouté, « puisque toutes ces pluies et ces inondations peuvent apporter la maladie ».

Le choléra a déjà coûté la vie à près de 10 000 personnes en Haïti depuis 2010.

SILENCE RADIO

À Port-au-Prince, à trois heures de route de là, la Québécoise Josianne Desjardins est confinée dans le complexe qu'elle habite. Journaliste de formation, elle résiste à l'envie d'aller sur le terrain et s'en tient aux consignes de sécurité qui lui ont été dictées par l'ONG canadienne pour laquelle elle est bénévole là-bas.

« On a fait nos provisions samedi matin. On nous a dit de faire des préparatifs pour pouvoir tenir une semaine, si jamais il y avait une pénurie de nourriture et d'eau. Et on doit rester au complexe », raconte-t-elle, ajoutant qu'elle se considère comme très chanceuse d'être dans un édifice solide où elle se sent en sécurité.

La jeune femme effectue un stage de relations médias et est en contact direct avec les journalistes locaux. Parmi eux, Jean Daniel Sénat, qui suit la situation de très près. Non seulement il alimente le journal francophone local Le Nouvelliste, mais sa famille habite le sud du pays, dans la zone rouge.

« Il y a plusieurs maisons de détruites, emportées par le vent ou les rivières accrues. Il y a déjà près de 13 villes inondées. C'est très préoccupant », racontait-il.

« Il n'y a pas de communications téléphoniques fiables parce que les opérateurs sont dépassés par les événements. » - Jean Daniel Sénat, journaliste local

Il avait parlé à son père pour la dernière fois à 4 h du matin, hier. La maison de sa tante a été détruite et elle s'est réfugiée chez ses parents. Aux dernières nouvelles, toute sa famille était saine et sauve.

« La route nationale vers le sud est coupée [un pont s'est effondré]. L'eau de la mer est montée sur plusieurs villes. C'est extrêmement difficile à gérer là-bas, a rapporté M. Sénat. On a parlé avec un ancien ministre qui est sur place et le bilan sera catastrophique selon son témoignage. Il était très alarmant et le gouvernement ne donne pas de bilan, ne serait-ce que provisoire. Les gens qui ont de la famille là-bas sont très préoccupés. »

Par ailleurs, les services du président par intérim se sont réunis hier après-midi et ont annoncé que l'élection présidentielle, qui doit se tenir dimanche, est pour l'instant maintenue.

LA RÉPUBLIQUE DOMINICAINE N'A PAS ÉTÉ ÉPARGNÉE

Le passage de l'ouragan Matthew en République dominicaine a provoqué la mort de quatre personnes et endommagé près de 200 maisons, a annoncé hier le Centre des urgences de l'île des Caraïbes. Les quatre victimes - trois enfants et un homme adulte - sont mortes entre lundi soir et mardi. Deux enfants ont péri lundi à l'aube quand leur maison s'est effondrée à Capotillo. Près de là, à La Puya, un autre enfant a perdu la vie dans des circonstances similaires, tandis qu'un homme a été écrasé par un mur dans la zone de Manoguayabo. L'alerte rouge - la plus élevée - restait en vigueur dans 19 provinces, notamment à la frontière avec Haïti. Six autres restaient en alerte jaune.

- Agence France-Presse