Écartée du pouvoir depuis mai par le Sénat, abandonnée par ses alliés et faiblement soutenue par son propre parti, seul un «miracle» pourrait sauver la présidente de gauche du Brésil Dilma Rousseff de la destitution, estiment les analystes.

L'avant-dernier chapitre de cette telenovela de «l'impeachment» a eu lieu mercredi à l'aube. Après plus de 15 heures de débats, les sénateurs, qui votaient à la majorité simple, se sont déclarés sans surprise, par 59 voix contre 21, pour la tenue du procès de Mme Rousseff, accusée de maquillage des comptes publics.

Après cette nouvelle étape, le procès de Mme Rousseff devrait s'ouvrir le 25 août, quatre jours après la fin des jeux Olympiques que son prédécesseur et parrain politique, Luiz Inacio Lula da Silva, avait réussi à obtenir alors que le Brésil était en plein boom économique. Il devrait durer cinq jours.

Si les deux tiers des sénateurs (54 voix sur 81) votent pour, le sort de la dirigeante de gauche sera définitivement scellé et ce sera la fin de plus de 13 ans de gouvernement du Parti des Travailleurs (PT), emblème de la gauche latino-américaine.

Irréversible

«La vérité est que Dilma (Rousseff) aura besoin d'un miracle pour ne pas être destituée, je dirais même que la plus grande surprise serait qu'elle arrive à inverser la tendance. Aujourd'hui, ça me semble impossible», a déclaré à l'AFP l'analyste politique Everaldo Moraes, de l'Université de Brasilia.

«Même dans son propre camp, ils savent que le processus est irréversible», a-t-il ajouté.

Michel Temer, 75 ans, remplacera alors Dilma Rousseff, 68 ans, jusqu'à la fin de son mandat, fin 2018.

La présidente, réélue pour un second mandat de quatre ans fin 2014, est accusée d'avoir maquillé les comptes publics et d'avoir signé des décrets engageant des dépenses non prévues au budget sans avoir demandé au préalable l'accord du Parlement, une pratique à laquelle ses prédécesseurs avaient largement eu recours.

Mme Rousseff conteste formellement avoir commis un quelconque «crime de responsabilité» et dénonce un coup d'État institutionnel ourdi par M. Temer et la droite brésilienne.

Mme Rousseff pâtit d'un Parlement considéré comme le plus conservateur de ces 50 dernières années, de la pire récession économique depuis des décennies, du chômage en hausse et de la baisse de confiance des investisseurs en raison de la crise politique qui a été aggravée par des scandales de corruption.

Le pire de tous est celui qui frappe géant pétrolier Petrobras. Il a coûté plus de deux milliards de dollars en dix ans à l'entreprise et implique une bonne partie de l'élite politique et industrielle du pays.

L'ex-prédisent Lula (2003-2010) a été inculpé récemment pour «entrave à la justice» dans le cadre de cette affaire.

«Les jeux sont faits»

Même si Mme Rousseff n'a pas été accusée de corruption, le scandale Petrobras a aidé à plomber son gouvernement.

«Il est pratiquement impossible qu'elle revienne au pouvoir et je crois qu'elle-même le sait», affirme l'analyste de la Fondation Getulio Vargas, Sergio Praça.

Mme Rousseff «a commis tous les types d'erreurs qu'un président puisse commettre, comme ne pas tenir ses promesses de campagne, ne pas accorder l'attention nécessaire à sa coalition gouvernementale, ignorer son propre parti, n'écouter personne», ajoute-t-il.

«Les jeux sont faits et la gauche devra résister au coup d'État... mais aussi se projeter dans l'avenir pour chercher de nouveaux représentants, s'organiser et s'adapter. Et cela passe par une autocritique pour les cas de corruption», déclare à l'AFP Eduardo Pereira, professeur de 51 ans, qui manifestait mardi contre le président par intérim Temer, à Sao Paulo.

Mme Rousseff a annoncé qu'elle publierait une «Lettre au peuple brésilien» où elle s'engagera à faire un référendum pour savoir si les électeurs veulent anticiper la présidentielle de 2018, au cas où elle ne serait pas destituée. Mais il lui faudrait, pour cela, faire approuver un amendement à la Constitution par le Parlement.