La décision de la banque américaine Citibank de fermer le compte utilisé par le Venezuela pour ses opérations internationales marginalise davantage ce pays en crise sur la scène mondiale, alors que le président Nicolas Maduro dénonce un «blocus financier».

Ce coup dur intervient au moment où le Venezuela est plongé dans une profonde tourmente politique. L'opposition, majoritaire au Parlement depuis les dernières élections législatives en avril, réclame la tenue d'un référendum pour révoquer le président, héritier politique d'Hugo Chavez.

Après une «évaluation périodique des risques au Venezuela», Citibank a annoncé mardi qu'elle avait «décidé de cesser son activité de banque correspondante (correspondent banking) et de certains comptes dans le pays», selon un bref communiqué.

En tant que «correspondantes», les principales banques de la planète permettent aux pays de réaliser leurs transactions financières (paiements, encaissement, etc) à l'international en dollars ou en euros. Il s'agit d'une composante essentielle du système financier global.

«Cette décision ne reflète pas notre engagement envers ce pays que nous avons servi depuis près de 100 ans», ajoute Citibank à propos du Venezuela, secoué par une grave crise économique, depuis la chute des cours du pétrole, dont il tire l'essentiel de ses revenus.

Le dirigeant socialiste avait pris les devants en affirmant lundi dans une intervention radio-télévisée la décision de Citibank. Il avait ajouté que la mesure concernait aussi une autre banque de l'État vénézuélien, Banco de Venezuela (BDV).

Situation délicate

Citibank «dit que d'ici trente jours elle va fermer le compte de la Banque centrale et de Banco de Venezuela. Cela s'appelle un blocus financier», a déclaré M. Maduro, qui y voit un complot derrière lequel se trouverait, selon lui, le gouvernement américain, son ennemi de toujours.

M. Maduro avait déjà déclaré dans le passé que le Venezuela était la cible d'un «boycott financier» visant à lui interdire l'accès aux financements internationaux.

Cette situation, qui pourrait accentuer la méfiance des investisseurs et créanciers internationaux quand à la solvabilité du Venezuela, place ce pays dans une situation délicate : faute de trouver une autre banque correspondante, il se retrouvera à la marge du système financier mondial.

«Cela ajoute une complication supplémentaire car les paiements et les transactions externes seront plus difficiles et cela crée de nombreux problèmes dans un pays qui connait une crise sévère», a déclaré à l'AFP le député de l'opposition José Guerra, ancien dirigeant de la Banque centrale du Venezuela.

«C'est un pas de plus vers la mise à l'écart du régime. Personne ne veut plus rien avoir affaire avec lui», a ajouté Alberto Bernal, stratégiste en chef de XP Securities à New York.

«D'autres pays ont vu leurs comptes gouvernementaux bloqués mais ont réussi à accéder aux devises étrangères par d'autres mécanismes», a-t-il ajouté, en référence à l'Iran.

Autre signe de la situation critique de ce pays où sévit une sévère pénurie d'aliments et de médicaments : Nicolas Maduro a confié lundi à l'armée une «grande mission d'approvisionnement» du pays. Dimanche, il avait autorisé la réouverture quelques heures de la frontière avec la Colombie, fermée depuis août dernier, pour laisser les piétons aller s'approvisionner.

«Menace pour la paix»

En conséquence, des soldats ont été déployés dans les ports, les aéroports et plusieurs entreprises à travers le Venezuela. Un renforcement du pouvoir des militaires qui inquiète: «l'accroissement du pouvoir militaire est une menace pour la tranquillité et la paix», ont déclaré les évêques vénézuéliens mardi.

Lundi soir, le président avait déjà ordonné l'occupation de l'usine de l'entreprise américaine Kimberly-Clark au Venezuela, qui produit notamment du papier hygiénique et des couches.

Kimberly-Clark avait annoncé samedi l'arrêt de sa production d'articles d'hygiène en raison de la détérioration des conditions économiques au Venezuela.

De son côté, M. Maduro attribue les difficultés économiques actuelles à un plan de ses adversaires politiques pour déstabiliser son pouvoir.

«Il n'y a aucun changement significatif, hormis l'approfondissement du modèle qui n'a fait que détruire jusqu'à présent les capacités productives du pays», a réagi l'analyste économique Luis Vicente Leon.