Un jury fédéral américain a reconnu un ancien officier chilien coupable du meurtre du chanteur Victor Jara en septembre 1973, dans la foulée du coup d'État du général Augusto Pinochet, et l'a condamné à verser 28 millions de dollars à la famille du musicien.

Membre du Parti communiste chilien, le chanteur-compositeur - auteur de chansons emblématiques comme Te recuerdo Amanda ou El derecho de vivir en paz - était l'un des soutiens du président Salvador Allende renversé lors d'un coup d'État soutenu par la CIA.

Avec environ 5000 autres prisonniers politiques arrêtés dans des rafles le jour du putsch, M. Jara fut détenu dans le plus grand stade de Santiago qui aujourd'hui porte son nom. Là, il fut interrogé, torturé, avant d'être abattu à la mitraillette.

Pedro Pablo Barrientos Nunez, qui vit aux États-Unis depuis 1989 après avoir fui le Chili à la fin de la dictature Pinochet, était en 1973 un lieutenant de 24 ans assigné à la surveillance des prisonniers dans le stade.

Un témoin, qui faisait à l'époque son service militaire, a affirmé dans une déposition enregistrée sur une vidéo avoir entendu Barrientos dire à un tiers qu'il était l'auteur des tirs fatals contre Jara. Aucun témoignage direct de la fusillade n'a été communiqué au tribunal.

M. Barrientos, aujourd'hui âgé de 67 ans, est resté de marbre dans la salle d'audience à l'énoncé du verdict, se refusant ensuite à tout commentaire auprès des journalistes. Son avocat Luis Calderon a expliqué qu'il explorerait les possibilités de faire appel.

La veuve du chanteur Joan, 88 ans, et ses filles Manuela et Amanda étaient joyeuses et en larmes. «Aujourd'hui, c'était pour Victor. C'était le premier signe de justice dans cette affaire et ça c'est produit ici aux États-Unis», a déclaré la veuve de l'artiste, dont l'oeuvre a inspiré d'innombrables musiciens comme U2 et Bob Dylan.

L'ONG américaine Center for Justice and Accountability (CJA), qui a initié le procès au nom de la famille Jara, s'est dite satisfaite du verdict. «Nous espérons que le gouvernement américain prendra acte de la demande d'extradition formulée par le gouvernement chilien», a déclaré Kathy Roberts, une avocate de CJA.

Les autorités américaines n'ont pour le moment pas répondu à cette demande du Chili, où des poursuites pénales ont été lancées contre Barrientos.

Le verdict de lundi pourrait remettre en question sa citoyenneté américaine, si les autorités estiment qu'il a menti dans son formulaire d'immigration.