Plusieurs milliers d'enseignants ont manifesté lundi dans l'État de Oaxaca, dans le sud du Mexique, pour dénoncer un «massacre» après la mort dimanche de huit personnes lors d'affrontements avec les forces de l'ordre, tandis que les autorités accusaient des tireurs non identifiés.

Rassemblés à l'appel d'un syndicat d'enseignants, les manifestants ont défilé globalement dans le calme dans la ville touristique de Oaxaca pour réclamer justice.

Une quinzaine de manifestants a lancé des fumigènes et des projectiles contre des policiers déployés devant des locaux de ministère de l'Education entraînant une riposte des forces de l'ordre avec des gaz lacrymogènes.

Clara Revilla Lucas, une enseignante de 50 ans déplorant le manque d'ordinateurs et de livres en langue indigène dans l'école reculée où elle enseigne, avait fait le déplacement pour dénoncer «la répression contre ses collègues».

La manifestation s'est déroulée au lendemain de violences qui ont fait huit morts et plus d'une centaine de blessés dimanche, dont des civils et des policiers, quand les forces de l'ordre ont tenté de briser le blocus des routes mis en place depuis une semaine par les manifestants à Asuncion Nochixtlan, près de Oaxaca.

Ces manifestants de la Coordination nationale des travailleurs de l'éducation (CNTE) protestaient contre la réforme de l'éducation lancée par le gouvernement du président Enrique Peña Nieto et l'arrestation dans cet État de deux de leurs leaders locaux.

Le chef de la police fédérale Enrique Galindo a indiqué que des hommes armés non identifiés «avaient ouvert le feu sur la population et sur les policiers», obligeant les forces de l'ordre a faire usage de leurs armes, tout en précisant que les enseignants n'étaient pas impliqués dans ces tirs.

La commission nationale de la sécurité avait auparavant nié que les forces de l'ordre aient eu en leur possession des armes durant les affrontements, qualifiant de «fausses» des photos circulant dans la presse.

Mais M. Galindo a reconnu que les policiers avaient dû utiliser leurs armes après être tombés dans une «embuscade» menée par 2000 «radicaux» parmi lesquels certains étaient armés.

Le chef de la police a indiqué sur Radio Formula «que des autopsies étaient en cours» pour déterminer si les victimes avaient été tuées par des projectiles provenant de la police.

Les autorités ont fait savoir que huit policiers avaient été blessés par balles. Au moins 55 autres et 53 civils ont été blessés dans ces affrontements, et plus de 20 personnes arrêtées.

A Juchitan, un journaliste a été tué alors qu'il prenait en photo des hommes masqués se livrant au pillage, selon le responsable de la sécurité de cet État, Jorge Alberto Ruiz. Une autre personne a été tuée dans cette ville, portant le bilan à huit morts.

Les autorités avaient précédemment avancé le chiffre de six morts.

Tireurs «infiltrés» 

Le président Peña Nieto a «déploré» sur Twitter ces morts et indiqué que les autorités judiciaires du pays aideraient à faire avancer l'enquête et à «punir les responsables».

Les personnes tuées sont toutes des civils, selon Jorge Alberto Ruiz. Parmi elles figurent deux commerçants, un ouvrier, un étudiant et un responsable local, selon le gouverneur Gabino Cue.

Selon Juan Garcia, un leader d'une section locale du CNTE, 22 personnes sont par ailleurs portées disparues.

Les heurts ont éclaté lorsque quelque 800 policiers sont intervenus pour déloger un millier d'enseignants qui bloquaient depuis une semaine une route d'Asuncion Nochixtlan, avec l'aide d'une centaine d'étudiants et d'autres sympathisants, dont des parents d'élèves.

Les forces de l'ordre ont tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants qui ont incendié des véhicules.

Juan Garcia a estimé que des «infiltrés» étaient à l'origine de cette explosion de violence et exigé une enquête de la Comission interaméricaine des droits de l'Homme.

Le syndicat des enseignants s'oppose fermement à la réforme de l'éducation lancée par le gouvernement Nieto qui vise à améliorer la qualité de l'enseignement et prévoit notamment que les enseignants fassent désormais l'objet d'une évaluation.

Les syndicats y voient une manière de privatiser l'éducation et de se séparer d'une certain nombre d'entre eux.

Des enseignants radicaux manifestent depuis plusieurs mois contre cette réforme dans les États de Oaxaca, Michoacan, Guerrero et Chiapas.