Le président vénézuélien Nicolas Maduro a écarté samedi toute possibilité de référendum pour le révoquer en 2016, cherchant ainsi à décourager l'opposition qui avertit des risques d'explosion sociale liés à la grave pénurie alimentaire.

Si l'opposition de centre-droit «remplit les conditions requises, le référendum révocatoire aura lieu l'an prochain, c'est tout», a-t-il assuré, ce qui empêcherait la tenue de nouvelles élections.

Un référendum organisé après le 10 janvier 2017 et couronné de succès entraînerait uniquement le remplacement du dirigeant socialiste par son vice-président jusqu'à la fin de son mandat, en 2019.

Le chef de l'État, très impopulaire, affronte depuis plusieurs mois une opposition de plus en plus virulente et qui cherche, après avoir conquis le Parlement, à obtenir son départ anticipé.

Samedi, la coalition de la Table pour l'unité démocratique (MUD, centre-droit) a appelé ses partisans à se réunir, le lendemain à Caracas, pour organiser le déplacement des 1,3 million de personnes appelées à confirmer, en personne, leur souhait d'un tel référendum.

Car entre le 20 et le 24 juin, ceux qui ont signé en faveur de la consultation, à l'appel de l'opposition, devront venir apposer leur empreinte digitale dans l'un des 24 sièges régionaux du Conseil national électoral (CNE), situés parfois très loin de leur domicile.

S'ouvrira ensuite un processus de vérification par le CNE qui durera vingt jours ouvrables, jusqu'au 23 juillet.

La MUD a dénoncé samedi ce délai supplémentaire, estimant qu'avec les machines biométriques pour enregistrer les empreintes, la vérification devrait être immédiate.

«C'est une provocation, alors que s'exacerbent les troubles motivés par la faim», a estimé lors d'une conférence de presse Jesus Torrealba, porte-parole de la MUD.

Le pays pétrolier, dont l'économie s'est effondrée avec la chute des cours, souffre de graves pénuries d'aliments et de médicaments, suscitant la colère de la population. Ces derniers mois, pillages et lynchages sont devenus plus nombreux.

Risque d'explosion sociale

Samedi, à Catia, quartier de Caracas autrefois acquis au chavisme (du nom de l'ex-président Hugo Chavez, 1999-2013), des centaines de personnes faisaient ainsi la queue depuis des heures face à un supermarché quand il a été annoncé qu'il ne restait plus rien.

Des dizaines d'entre elles ont alors protesté dans la rue, certains aux cris de «Ce gouvernement va tomber», sous la surveillance de nombreux effectifs de la police et de l'armée.

Sept Vénézuéliens sur dix souhaitent le départ du président du Maduro, mais ils sont encore peu nombreux à manifester, sans doute accaparés par la quête quotidienne de nourriture et craintifs face aux menaces de répression.

Et le processus vers le référendum avance lentement : après la vérification des 1,3 million de signatures, il faudra encore en réunir quatre millions, sur trois jours.

Enfin, seulement, l'opposition aura le droit d'organiser le vote, au cours duquel il faudra dépasser le score obtenu par M. Maduro en 2013 (7,5 millions de voix) pour le faire partir.

Le pouvoir chaviste «intensifie la possibilité d'une explosion sociale», en «allongeant les délais de manière irresponsable», a mis en garde Jesus Torrealba.

Des débordements pourraient sonner le glas du référendum, le CNE ayant prévenu vendredi que «la moindre agression, trouble (de l'ordre) ou incitation à la violence entraînera(it) la suspension immédiate du processus jusqu'au rétablissement de l'ordre».

La MUD a dénoncé le rejet par les autorités électorales de 600.000 signatures, notamment pour des erreurs orthographiques : «Nous sommes 600.000 sans droit à faire valider notre signature», a souligné Juan Carlos Caldera, membre de la commission technique de l'opposition auprès du CNE.

Selon lui, les signatures d'opposants de premier plan ont été retoquées, comme celle de l'ex-candidat à la présidentielle Henrique Capriles, de Leopoldo Lopez, emprisonné pour incitation à la violence, ou encore son épouse Lilian Tintori.

Mardi l'opposition se réunira avec le CNE et réclamera la mise en place de 600 machines biométriques pour enregistrer les empreintes des signataires, et non 300 comme prévu jusqu'à présent.

Une autre menace plane sur la consultation : vendredi, Jorge Rodriguez, nommé par le président Maduro pour surveiller le processus d'examen des signatures, a annoncé qu'il porterait plainte devant le Tribunal suprême de justice (TSJ) pour «fraude» dans le recueil des signatures.