Deux indigènes sont morts et plusieurs dizaines de personnes ont été blessées en Colombie jeudi, au troisième jour de manifestations rassemblant 30 000 paysans réclamant des mesures en faveur du secteur agricole, très affecté par plus d'un demi-siècle de conflit armé, a-t-on appris de sources officielles et indigènes.

Le ministre de la Défense Luis Carlos Villegas a annoncé le «décès de deux indigènes pendant la journée de protestation», selon un tweet du ministère.

«Nous n'avons pas de preuve pour le moment que les morts des indigènes soient le fait d'actes de la force publique», a-t-il ajouté dans un autre tweet, précisant qu'une enquête était en cours.

Les paysans, mobilisés depuis lundi, réclament des mesures en faveur du secteur agricole, très affecté par plus d'un demi-siècle de conflit armé, et dénoncent les effets des Traités de libre commerce (TLC) signés par la Colombie avec les États-Unis et l'Europe, synonymes de hausse des importations d'aliments au détriment des produits locaux.

L'Organisation nationale des indigènes de Colombie (Onic) a identifié les victimes comme Gersain Ceron et Marco Aurelio Diaz, tous deux originaires de réserves indiennes dans le département du Cauca (ouest) et morts des suites de blessures par balles lors d'affrontements avec la police. Quelque 135 personnes ont été blessées selon l'Onic.

Selon le ministère de la Défense, «24 membres de la force publique ont été blessés».

«Nous regrettons profondément la mort de Gersain Ceron durant les manifestations sur la Panaméricaine», avait un peu plus tôt tweeté le ministre de l'Intérieur Juan Fernando Cristo, en déplacement dans le Cauca, où se sont produits les affrontements les plus graves.

Plusieurs barrages, faits de pierres et de branches, entravaient notamment la circulation sur la Panaméricaine, axe routier qui traverse le continent du nord au sud, a constaté un photographe de l'AFP.

À la mi-journée, le Défenseur du Peuple, entité publique chargée de la défense des droits humains, avait publié un premier bilan de 28 blessés, «21 civils et sept membres de la force publique».

Selon cette source, les «rassemblements, marches et barrages, permanents ou occasionnels, affectent 45 municipalités dans 24 départements» sur les 32 que compte la Colombie. Au total 14 barrages routiers permanents ont été répertoriés dans l'ouest et le centre-ouest du pays, outre 11 démantelés par la police.

Ces manifestations sont organisées à l'appel du Sommet Agraire, qui regroupe notamment des mouvements d'indigènes, de travailleurs agricoles et d'afrodescendants, et dénonce le «non-respect» par le gouvernement du président Juan Manuel Santos d'accords passés lors de précédentes mobilisations en 2013 et 2014 contre les effets des TLC.

Outre la concurrence des produits agricoles d'importation, les paysans protestent notamment contre la pauvreté et la difficulté d'accès aux terres cultivables, réclamant aussi de participer aux pourparlers de paix menés depuis 2012 avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, marxistes), principale guérilla du pays.

Le gouvernement a qualifié la mobilisation paysanne d'«injuste» et appelé au dialogue via le ministre de l'Intérieur, Juan Fernando Cristo, qui s'est rendu jeudi à La Maria, dans le département du Cauca (ouest), où les manifestants sont particulièrement nombreux.

Le conflit armé, issu d'insurrections paysannes dans les années 60, a fait au moins 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,8 millions de déplacés.